Immigration : La circulaire sur les mineurs isolés étrangers partiellement annulée

Le Conseil d'État a partiellement annulé vendredi la circulaire de la ministre de la justice Christiane Taubira sur la répartition entre les départements de la prise en charge des mineurs isolés étrangers, estimant que les critères retenus devaient être fixés par la loi.

Cette circulaire était contestée par dix départements qui estimaient notamment ne pas avoir la capacité d'accueillir d'autres mineurs étrangers isolés que ceux déjà pris en charge sur leur territoire. Le nombre de mineurs isolés étrangers (MIE) est difficile à évaluer mais on les estime à 6 000 environ sur le territoire français, dont un peu moins de 1 700 à Paris. 

La circulaire Taubira avait pour but d'alléger la lourde charge pesant sur quelques départements, comme la Seine-Saint-Denis, Paris et le Pas-de-Calais où se concentrent la plupart des cas, en répartissant le nombre de mineurs isolés étrangers sur l'ensemble des départements. Le texte, daté du 31 mai 2013, prévoyait notamment « un dispositif d'orientation nationale visant à mieux répartir la charge de l'accueil de ces mineurs entre les différents services d'aide sociale à l'enfance, des services financés et gérés non pas par l'État mais par les départements », rappelle le Conseil d'État dans un communiqué. 

Selon la circulaire, « cette orientation » devait être effectuée « d'après une clé de répartition correspondant à la part de population de moins de 19 ans » déjà présente dans chaque département. Dans son arrêtCE, 1e et 6e ss-sect. réunies, 30 janv. 2015, n° 371415, 371730 et 373356, département des Hauts-de-Seine et a., le Conseil d'État a estimé que la circulaire allait trop loin en prévoyant que « le choix de la répartition devait être guidé par le principe d'une orientation nationale » et en fixant une clé de répartition. 

Sans se prononcer sur l'opportunité du critère retenu, il a simplement relevé qu'il« n'était pas prévu par la loi » et que la garde des sceaux ne pouvait donc « pas le prévoir par la voie d'une simple circulaire ». Il a donc annulé ce point de la circulaire. Mais la plus haute juridiction de l'ordre administratif n'a pas pour autant contesté le principe de la répartition de la charge des mineurs isolés étrangers entre les départements. Elle a ainsi écarté la critique formulée par les plaignants qui estimaient que la circulaire « portait atteinte à leur libre administration ». Elle a également jugé que la garde des Sceaux pouvait inviter les parquets, auxquels « la loi impose de tenir compte de l'intérêt de l'enfant »,« à tenir compte à la fois des capacités d'accueil et du nombre de mineurs déjà accueillis dans chaque département ».

Un rapport de l'IGAS (inspection des affaires sociales) publié mi-décembre avait jugé le dispositif de prise en charge des mineurs isolés étrangers « perfectible », tout en reconnaissant qu'il avait « effectivement permis de créer une solidarité interdépartementale et un cadre de référence à l'accueil et à l'évaluation » des mineurs isolés étrangers.

À Paris, le coût de la prise en charge d'un jeune MIE par l'aide sociale à l'enfance a été évalué par la mairie à 5 000 euros par an environ, et le budget annuel qui leur est consacré atteint 95 millions d'euros. « Si la circulaire est annulé, il faudra une loi », avait prévenu la mairie de Paris avant que le Conseil d'État ne se prononce, en regrettant que quelques département n'aient « pas joué le jeu ». Le conseil général de Seine-Saint-Denis a de son côté appelé vendredi à « garantir enfin par la loi la pérennité du dispositif issu de la circulaire », notant que ce texte avait permis de diviser par deux le nombre de MIE sur sont territoire. Les requérants qui ont obtenu l'annulation partielle de la circulaire Taubira sont les Alpes-Maritimes, l'Aveyron, la Corse-du-Sud, la Côte-d'Or, l'Eure-et-Loir, le Loir-et-Cher, le Loiret, la Sarthe, la Vendée et les Hauts-de-Seine.

« Le gouvernement est attaché au maintien de ce dispositif, dont une majorité de départements reconnaît les effets positifs », souligne Matignon dans un communiqué diffusé mardi 3 février. Afin de le « sécuriser dans la durée », l'exécutif compte lui donner « une base légale conforme à la décision du Conseil d'État ». Le gouvernement « saisira rapidement le Parlement en ce sens, afin que les dispositions nécessaires puissent être adoptées », précise le cabinet de Manuel Valls.

En attendant le nouveau dispositif légal, la cellule d'appui créée par le ministère de la justice « continuera à fonctionner » et le financement des évaluations pour déterminer que les jeunes gens sont bien mineurs sera maintenu, précise Matignon.