Internet : La plateforme consulter-mon-avocat.fr en difficultés dès avant son lancement

Dans une « alerte aux confrères » à propos du site en construction consulter-mon-avocat.fr, le Conseil national des barreaux (CNB) a formellement démenti hier « avoir jamais apporté son soutien, ni pris part, de quelque manière que ce soit, à cette initiative résultant d’une société commerciale étrangère à la profession d’avocat et à ses instances ».
Si l’instance représentative des quelque 66 000 avocats de France reconnait que le président de la commission de l’exercice du droit, Didier Adjedj, a effectivement reçu un représentant de la petite société pacéenne A.B.I. France, c’était « précisément pour le mettre en garde » sur certains aspects de ce projet, en particulier s’agissant du nom de domaine de ce site qui « appelle les plus sérieuses réserves ».
Dans la matinée, le responsable de communication et développement web de cette société A.B.I., Romain Manivel, avait en effet gratifié tous les avocats de France et de Navarre d’un message électronique expliquant qu’après avoir« préalablement informé votre bâtonnier », l’équipe de consulter-mon-avocat (CMA) « tenait à [leur] indiquer l’arrivée de [leur] plateforme » qui serait une« solution novatrice simplifi[ant] considérablement l’accès au droit pour tous les justiciables et […] donn[ant] accès au marché du web, aujourd’hui inexploité ».
« Le tout contrôlé par votre profession […] en collaborant avec la profession et les instances ordinales », peut-on lire dans le message de M. Manivel qui affirmait qu’après des rencontres avec l’ancien président du CNB Thierry Wickers (2009-2011) et d’autres « acteurs importants de [la] profession », il avait été constaté « la nécessité pour les instances ordinales d’êtres modératrices sur la plateforme ».
Et c’est pour répondre à cette « demande générale », indiquait M. Manivel, que la structure juridique éditant la plateforme permettra aux instances ordinales d’être « modératrices sur la plateforme » et elle permettra également aux instances professionnelles et aux avocats d’entrer dans son capital avec un lienpermettant, aux « gold », de souscrire un « maximum de 15 actions par avocat »d’une valeur nominale de 1 000 euros chacune pour une « présence capitalistique au premier tour » ou, alternativement, pour les « platinium », le même nombre maximal de 15 actions par avocat avec une prime de 500 euros, soit 1 500 euros chacune, donnant alors droit — si, si, ne riez pas — « à la réservation d’actions pour le second tour de levée de fonds », ce qui représente 15 000 euros pour les gold et 22 500 euros pour les platinium, soit la modique somme rondelette de 15 à 22,5 millions d’euros par tranche de 1 000 avocats avant la seconde levée de fonds…
« De façon à officialiser le lancement de la plateforme, poursuivait Romain Manivel, nous avons rencontré le 11 septembre les membres du Conseil national des barreaux, ainsi que Me ADJEDJ, président de la commission de l’exercice du droit » et, grand prince, il leur a été fait part, indiquait-il, de la décision de la société A.B.I. « d’offrir le coût de développement de la passerelle à la profession ainsi que son utilisation exclusive en France », le marché à l’international étant déjà réservé — si, si, ne riez pas — « à d’autres partenaires », était-il précisé.
On comprend donc parfaitement que le démenti cinglant du CNB ne s’est pas fait attendre et « l’alerte aux confrères » dénonce ainsi « cette campagne de communication mensongère tant à l’égard des avocats que du grand public ». L’instance représentative de la profession indiquant qu’elle se réserve la possibilité d’engager « tous recours utiles » et qu’elle a adressé au gérant de cette société une mise en demeure pour exiger « la suppression immédiate sur ses différents sites de toute référence à un partenariat avec le Conseil national des barreaux, ainsi que la cessation de toute utilisation de la dénomination ‘avocat’ pour l’exploitation et la promotion de cette plateforme de consultation en ligne ».
Rétropédalage et arrière toute dans un second message de M. Manivel en milieu d’après-midi démentant « l’interprétation de l’information selon laquelle la passerelle CMA bénéficierait du statut de plateforme validée par le CNB » et confessant qu’il s’agit d’une « initiative personnelle » qu’il souhaiterait partager avec « la profession si les instances ordinales [l’]y autorisent ».
Basée à Pacé (Ille-et-Vilaine), la société A.B.I. France est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes depuis novembre 2000 sous le numéro 433578572 et son activité, selon son code NAF, est le « commerce de gros d’ordinateurs, d’équipements informatique périphériques et logiciels ». Pour l’exercice clos à fin décembre 2014, A.B.I. France a déclaré un bénéfice net de 15 741 euros pour un chiffre d’affaires de 3,19 millions d’euros, soit une marge nette de 0,49 %.