Italie : Après le non au référendum, oui à Beppe Grillo ou à Silvio Berlusconi

L’Autriche reste européenne après l’élection de l’écologiste Alexander Van der Bellen avec plus de 53 % contre le candidat d’extrême droite, Norbert Hofer, mais, en revanche, l’Italie entre dans une zone de turbulence après le rejet massif du référendum constitutionnel, transformé en plébiscite contre Matteo Renzi, par près de 60 % des Italiens.
Le défunt projet de réforme constitutionnelle, dite réforme Renzi-Boschi du nom du président du Conseil et du ministre des réformes constitutionnelles et des rapports avec le parlement, avait pourtant été adopté, le 12 avril 2016, à l’issue d’un très long parcours législatif qui a débuté au printemps 2014.
L’article 138 de la Constitution italienne de 1947, non concerné par cette réforme, dispose en effet que :
Les lois de révision de la Constitution et les autres lois constitutionnelles sont adoptées par chaque chambre au moyen de deux délibérations successives à un intervalle de trois mois au moins et elles sont approuvées, au second tour de scrutin, à la majorité absolue des membres de chaque chambre.
Ces lois sont soumises à un référendum populaire lorsque, dans les trois mois suivant leur publication, un cinquième des membres d'une chambre ou cinq cent mille électeurs ou cinq conseils régionaux en font la demande. La loi soumise à un référendum n'est pas promulguée si elle n'est pas approuvée à la majorité des suffrages valablement exprimés.
Il n'y a pas lieu de procéder à un référendum si la loi a été approuvée au second tour de scrutin par chacune des deux chambres à la majorité des deux tiers de ses membres.
Adopté en première lecture par le Sénat le 8 août 2014, le projet de réforme a été modifié par la Chambre des députés le 10 mars 2015 et par le Sénat le 13 octobre 2015 avant d’être approuvé, sans modifications, en première lecture par la Chambre des députés le 11 janvier 2016 et, à la majorité absolue, en deuxième lecture, par le Sénat le 20 janvier 2016 et par la Chambre des députés le 12 avril 2016 par 361 voix pour (57,30 %), 7 contre et 2 abstentions des 370 votants sur les 630 membres que compte la Camera.
Pour l’essentiel, la réforme aurait mis fin au bicaméralisme paritaire, réduit le nombre de sénateurs de 315 à 100 qui n’auraient plus eu à se prononcer que sur un nombre limité de lois ni à voter la confiance au gouvernement, le processus législatif pour les lois ordinaires aurait ainsi été simplifié et le gouvernement aurait même pu demander aux députés de se prononcer encore plus rapidement sur certains textes. Une couche administrative aurait disparu par la suppression des 110 provinces et il y aura eu moins de fédéralisme par la diminution des pouvoirs des 15 régions à statut ordinaire, notamment en matière d’énergie, d’infrastructures stratégiques et d’environnement. Bien qu’il ne s’agisse que d’une position honorifique si ce n’est un rôle-clé de médiation en cas de crise politique, le président de la République n’aurait plus été élu à une majorité simple mais à une majorité renforcée.
Dès le vote du projet le 12 avril 2016, des parlementaires des deux chambres, de l’opposition aussi que de la majorité, ont demandé un référendum ainsi qu’un comité pour le oui qui a recueilli plus de 500 000 signatures et c’est ainsi que le président du Conseil et leader du Parti démocrate italien, Matteo Renzi, en a fait un enjeu personnel et a mis sa démission dans la balance en cas d’échec du oui.
Le référendum rejeté par 6 Italiens sur 10, Renzi a aussitôt présenté sa démission et le président de la République Sergio Mattarella devrait rapidement lui demander, à lui ou à une autre personnalité, de former un gouvernement « technique » ou d’organiser des élections anticipées à un moment où l’extrême droite gagne du terrain dans tous les pays de l'Union (Autriche, Allemagne, Pays-Bas, République tchèque, France,…) et avec un parlement italien, très fragmenté, où les deux principales forces d’opposition sont le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo et Forza Italia de Silvio Berlusconi, les alternatives ne sont pas légion.
Giuseppe, dit Beppe, Piero Grillo, 68 ans, est une sorte de Coluche italien, un humoriste, acteur et blogueur et, plus récemment, un militant politique. Proche du mouvement Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan et du parti eurosceptique britannique UK Independence Party de Nigel Farage, Beppe Grillo milite contre la malbouffe et pour la maîtrise des flux migratoires, la semaine de 20 heures, l’abolition de la taxe foncière, la diminution des dépenses militaires, la réduction des salaires des politiques, la suppression des syndicats,… Lors des dernières élections au mois de février 2013, son parti a obtenu avec un quart des voix 109 députés — 91 seulement actuellement après quelques défections — juste derrière le parti de Renzi qui en a obtenu 297 (301 à présent) et devant Forza Italia qui en avait 97 mais qui n’en comptabilise plus que 50.
Silvio Berlusconi, 80 ans, surnommé Il Cavaliere, est un homme d’affaires avec une fortune estimée à 6 milliards d’euros et un ancien président du Conseil (1994-1995, 2001-2006 et 2008-2011), déchu de son mandat de sénateur en novembre 2013 à la suite d’une condamnation définitive pour fraude fiscale dans l’affaire Mediaset. Proche du socialiste Bettino Craxi qui est le parrain de sa fille Barbara et le témoin de son mariage avec Veronica Lario, Berlusconi se lance en politique, en 1993, en apportant son soutien au candidat d’extrême droite du MSI, Gianfranco Fini, qui part à la conquête de la mairie de Rome et créera Forza Italia l’année suivante, un mouvement dit, à l'origine, de centre-droit qui avait pour thèmes la liberté, la famille, la tradition chrétienne et le travail.