Jean Balan : Un candidat au bâtonnat de Paris sans programme et qui ne promet rien

Les traditionnelles élections biennales au bâtonnat de Paris auront lieu les mardi 4 et jeudi 6 décembre 2018. Sont en lice, quatre binômes et un solitaire qui font actuellement campagne pour recueillir les suffrages des robes noires parisiennes qui ont été moins quatre sur dix à voter il y a deux ans. Comme à l’accoutumée, les quatre binômes promettent, tous, monts et merveilles à tous en général et à chacun de leurs confrères en particulier et, seul, le solitaire, Jean Balan, a le courage et la franchise de leur dire qu’il n’a, en définitive, pas de programme et qu’il ne leur fait aucune promesse. Autopsie d’une défaite annoncée.
Une élection perdue d’avance pour ce trublion dont ce n’est pas la première tentative et qui ressemble mutatis mutandis à celle de Jean-Louis Bessis qui, lui, avait cru — après avoir passé une décennie à quémander des voix pour un « autre » Ordre « plus juste » — pouvoir troquer ses « voix » contre un poste de « médiateur » qu’il n’a finalement pas obtenu du bâtonnier Frédéric Sicard qu’il aurait « contribué à faire élire » et à qui il a ensuite demandé une indemnisation à ce titre devant moult cours et tribunaux.
Devant notre futur candidat malheureux, en pole position, le tandem Olivier Cousi et Nathalie Roret, arrivé en première position lors du premier tour de 2016, qui dispose du soutien du premier cabinet d’avocats français par la taille, Gide Loyrette Nouel, et promet un « Ordre numérique pour des avocats connectés qui, couverts par une assurance-cyber [sic !], pourront accéder en ligne à des outils mutualisés de documentation, de gestion et de prospection de clients nouveaux » et la procédure de recouvrement des honoraires « toujours trop lente » sera « réformée » pour « obtenir enfin l’exécution provisoire de la décision du bâtonnier », ainsi qu’un Ordre « exemplaire » et une procédure disciplinaire « impartiale » et se dit « aux côtés » des avocats de « proximité » comme de ceux « dont les conditions d’exercice seraient impactées par les négociations du Brexit [sic !] ».
Leur challenger probable, Jean-Jacques Uettwiller, bien qu'il se présente avec une colistière novice, Chloé Belloy, qui a à peine cinq ans de barre, ou Carbon de Seze, qui se présente pour la seconde fois et était arrivé, en solo, troisième au premier tour de 2016, accompagné, cette fois-ci, de Nathalie Dubois. Le premier reconnaît ne promettre rien de « révolutionnaire » mais une « idée partagée par tous » déclinée en cinq axes (recentrer, renforcer, adapter, accompagner et unifier) qu’il mettra en œuvre « grâce à un travail continu avec le bâtonnier sortant ». Le second aspire, lui, à défendre, servir et protéger tous les avocats qui devraient pouvoir « travailler en entreprise […] développer [leurs] activités accessoires dont le profit ne devrait pas nécessairement être inférieur au chiffre d’affaires de [l’]activité principale […] multiplier les cabinets secondaires […] [se] faire rémunérer en equity par des start-up […] diriger des sociétés commerciales […] affacturer [les] honoraires […] ». Autant de promesses en l'air, saugrenues pour certaines ou irréalistes pour d’autres, qui s’écartent franchement de la tradition et ne relèvent pas, de surcroît, pour la plupart de la compétence du bâtonnier mais plutôt de celle du législateur.
Le quatrième binôme est formé par Rabah Hached, un avocat qui se présente vainement tous les ans, depuis plus de 15 ans, pour un fauteuil au conseil de l’ordre, et une jeune avocate, Aïcha Dourouni Le Strat, qui a six ans de barre. Leurs trois objectifs sont : restaurer la confiance, resserrer les liens et représenter chacun des avocats parisiens.
On en arrive à Jean Balan, notre animal de foire au profil atypique, qui — à l’instar de Coluche pour l’élection présidentielle de 1981 qui appelait « les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas […] à voter pour [lui] » — appelle tous les abstentionnistes, les protestataires et les laissés-pour-compte du barreau de Paris à se porter sur sa « candidature qui n’offre pas de programme [ni] promesses », juste pour pouvoir se compter et « savoir combien [d’avocats] acceptent et approuvent [sa] conception du rôle du bâtonnier » tout en sachant qu’il ne sera pas élu, à moins d’un « miracle » mais si le nombre de voix est « ridiculement bas », il comprendra, explique-t-il, qu’il est un « dinosaure » et rejoindra le « cimetière des éléphants » et si le nombre de voix est « significatif », il verra cela comme un « signe qu’il y a encore des lions au barreau de Paris pour lesquels la notion d’avocat signifie encore quelque chose » et cela fera « peut-être réfléchir celui qui sera élu ».