Jugements publics : Étude et préfiguration de la mise à disposition gratuite

Le professeur Loïc Cadiet qui sévit à l’École de droit de la Sorbonne (université de Paris I Panthéon-Sorbonne) a remis hier à la garde des sceaux Nicole Belloubet le rapport qui lui avait été commandé par son prédécesseur sur « l’open data des décisions de justice » et qui était attendu pour le 31 octobre 2017.
La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a en effet institué en ses articles 20 et 21 la mise à disposition du public à titre gratuit, c’est-à-dire ce qu’on appelle de l’autre côté de la Manche en « open data », de l’ensemble des décisions de justice, judiciaires et administratives, en précisant qu’elle devrait se faire « dans le respect de la vie privée des personnes concernées » et être « précédée d’une analyse du risque de réidentification des personnes ».
Cette mission « d’étude et de préfiguration », composée de représentants des juridictions suprêmes, des juridictions du fond, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et du Conseil national des barreaux (CNB), a été lancée pour proposer des conditions d’application et les modalités d’ouverture au public des décisions de justice.
L'open data des décisions de justice ouvre, selon le communiqué de la chancellerie, « de puissantes perspectives d'évolution dans la façon dont la justice est rendue en permettant d’améliorer la qualité des pratiques juridictionnelles par l'analyse des décisions de justice, et de renforcer la connaissance de l’ensemble de la jurisprudence et son caractère prévisible ».
Le rapport formule 20 recommandations pour la mise en œuvre normative et technique de cet open data dans la perspective « de renforcer les techniques existantes dites de "pseudonymisation" des décisions », « d’instituer une régulation des algorithmes qui exploitent les données issues des décisions », « de définir les principes directeurs de l’architecture nouvelle de l’open data en confiant la gestion des bases à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat » et « d’exposer les principales possibilités de diffusion des décisions au public ».
La 20e recommandation traite de la régulation des nouveaux outils de justice dite « prédictive » par l’édiction d’une « obligation de transparence des algorithmes », la mise en œuvre de « mécanismes souples de contrôle » par la puissance publique et l’adoption d’un « dispositif de certification de qualité » par un organisme indépendant.
La question de la mention ou du retrait du nom des professionnels de la justice (magistrats, greffiers, avocats,…) dans la décision ouverte au public a été l’objet, explique le professeur Cadiet, d’une attention « spécifique en raison des débats, vifs et importants, qu’elle suscite et qui n’ont pas permis de dégager une solution consensuelle mettant la mission en mesure de formuler une recommandation » et une démarche de « type prudentiel » est dès lors suggérée.
Les priorités d’action du ministère de la justice devraient être connues dans les prochaines semaines.
Il est rappelé en exergue de ce rapport, selon la formule du conseiller à la Cour de cassation Augustin-Charles Renouard