Justice du XXIe siècle : Un divorce par consentement mutuel sans juge

Les députés ont adopté hier, dans le cadre du projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, un amendement présenté par le gouvernement instituant un divorce par consentement mutuel sans juge.
Sauf dans les cas où il y a un enfant mineur qui demanderait à être entendu ou si l'un des époux est sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice, il pourrait désormais être possible, selon un article 229-1 que cet amendement insère dans le code civil, lorsque les deux époux, assisté chacun par un avocat, s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets de faire constater leur accord « dans une convention prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l'article 1374. Cet accord est déposé au rang des minutes d'un notaire, lequel constate le divorce et donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ».
Un délai de réflexion de 15 jours serait par ailleurs accordé aux futurs ex-époux par le législateur qui imposerait à l'avocat, selon un article 229-4 nouveau, d'adresser, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'époux qu'il assiste, un projet de convention qui ne pourra être signé, à peine de nullité, qu'à l'expiration du délai de réflexion.
Dans l'exposé sommaire des motifs ayant conduit le gouvernement à soumettre cet amendement, il est rappelé que depuis plus de dix ans, il est laissé une large place « au divorce d'accord, en facilitant [...] la passerelle entre les divorces contentieux et le divorce gracieux et en incitant les époux à conclure des conventions tout au long de la procédure » et les critiques récurrentes contre la complexité des procédures, leur durée et leur coût ont amené à s'interroger sur la nécessité « d'un recours systématique au juge en matière de divorce lorsque les conjoints s'accordent sur les modalités de leur rupture ».
Assisté chacun par un avocat alors qu'un seul avocat suffit pour un divorce par consentement mutuel judiciaire, ce divorce par consentement mutuel sans juge ne sera sans doute pas moins cher mais il sera certainement plus rapide et il ne devrait en coûter qu'environ 50 euros pour l'enregistrer par dépôt au rang des minutes d'un notaire mais tout cela ne plaît vraiment ni au Conseil national des barreaux (CNB) ni au premier des barreaux de France.
Le CNB rappelle « son attachement au rôle du juge » et aurait préférait une « homologation de l'accord conclu par acte d'avocat sans comparution des parties » mais il s'en accommode volontiers et entend croiser le fer pour que l'acte d'avocat fasse « pleine foi de sa date, de son contenu, et dispose d'une force exécutoire de plein droit dans un but de simplification » sans qu'il soit nécessaire de recourir à un notaire.
Plus critique, le barreau de Paris dénonce « une atteinte à l'intérêt des parties » car « une société qui résout les états de crise sans juge est une société où tous les coups de force sont permis », seul l'imperium du juge, avec la participation des avocats, doit permettre, selon le communiqué, « de dénouer le lien solennel que l'officier d'état civil a établi en mairie ». L'abandon de cet amendement est demandé au motif qu'une telle réforme présente « un risque juridique et sociétal » et le bâtonnier Frédéric Sicard parle, lui, de « réformes factices qui cachent mal le simple refus de consacrer à la justice le budget public qui lui est légitimement dû ». Ce serait donc une insuffisance de moyens financiers et humains chronique qui motiverait en fait, pour le barreau de Paris, cette déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel.