Justice : Déductibilité pour tous de la TVA sur les honoraires des avocats

Dans une lettre au premier ministre, Manuel Valls, le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, demande l’abrogation des articles 205 et 206 de l’annexe II du code général des impôts relatifs à la détermination du quantum de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) déductible qui seraient « illégaux » et plaide pour que soit rétablie « l’égalité des armes » entre entreprises et particuliers quant aux frais et honoraires déboursés pour être défendu à l’occasion d’un procès.
Dans un argumentaire de six pages, le bâtonnier Sur conteste que la TVA grevant les services juridiques utilisés par les personnes non assujetties pour « mener une action en justice » ne soit pas déductible « dans les mêmes conditions que pour les assujettis à cette taxe ». Les textes en vigueur constitueraient, selon lui, une « atteinte à l’égalité des armes » en instaurant« une inégalité de traitement fiscal des justiciables participant à un procès, civil, pénal voire administratif ou autre, selon qu’ils sont des particuliers ou des entreprises » et en aggravant « le handicap des premiers face aux importants moyens financiers des secondes ».
Pour illustrer son propos, Me Sur prend, à titre d’exemple, un procès opposant un salarié à son employeur pour lequel l’un et l’autre exposent des frais et honoraires d’avocat, d’huissier et autres auxiliaires de justice pour un montant total hors taxe de 100. L’entreprise récupèrera la TVA de 20 % déboursée et n’aura en définitive qu’une charge nette de 100 alors que le particulier devra supporter la TVA de 20 % sur les prestations qui lui sont fournies et devra supporter une charge totale de 120.
Un désavantage « appréciable » pour le particulier dont le coût de ses frais de justice sont 20 % supérieur à celui d’une entreprise qui peut s’offrir 20 % de plus de services nécessaires et utiles à son procès que son adversaire. Une discrimination fiscale qui ne serait compensée, explique-t-il, ni par l’aide judiciaire dont bénéficient les plus démunis ni par l’indemnisation allouée par les juridictions – parfois et partiellement – au vainqueur.
Les dispositions critiquées seraient « invalides », selon le barreau de Paris, depuis le 1er décembre 2009, date de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 qui a placé la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne au même niveau que les traités européens1 et qui a vocation à s’appliquer dans tous les domaines, y compris en matière de TVA2.
Au cas particulier, la disparité de traitement découlerait d’une différence de situation au regard de la TVA. L’entreprise est considérée comme un consommateur intermédiaire bénéficiant de la déductibilité de la TVA due ou acquittée au titre de toutes ses activités économiques alors que le particulier est considéré comme un consommateur final qui doit supporter intégralement la charge de la TVA qui grève sa consommation. L’argumentaire du bâtonnier de Paris tend à démontrer qu’à l’occasion d’un procès, la notion de consommateur intermédiaire pour un assujetti à la TVA et celle de consommateur final pour un non-assujetti ne sont pas pertinentes. Pour l’un et l’autre, il s’agit, selon le barreau de Paris, d’une consommation intermédiaire car le procès serait « un détour de production, générateur de consommation nécessairement intermédiaire et non pas finale ».
Le remède consiste donc à abroger les textes critiqués en ce qu’ils ont « d’illégal et de les modifier ou compléter afin de reconnaître aux particuliers le droit à déduction et au remboursement de la TVA grevant les frais d’auxiliaires de justice » ou, à tout le moins, « dans les litiges les opposant aux entreprises ». Il est admis, est-il rappelé, qu’en matière de biens d’occasion importés par un non-assujetti, ce dernier a le droit de déduire la TVA acquittée dans l’État membre d’exportation du bien3. Un raisonnement voisin devrait permettre, assure-t-on, d’écarter le « refus général et absolu de tout droit à déduction de la TVA sur les frais d’auxiliaires de justice » pour les particuliers. Et si les textes litigieux ne sont pas abrogés par le gouvernement, l’affaire devrait être portée devant les tribunaux, croit-on comprendre, et une question préjudicielle en ce sens devrait être posée à la Cour de justice de l’Union européenne.