Justice : Du fourre-tout de l'agression sexuelle

La 15e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, dite la chambre des mineurs, a évoqué hier après-midi deux dossiers d'agression sexuelle. Le rédacteur en chef de LexTimes.fr y était avec sa casquette d'avocat pour assister l'un des deux prévenus. Similitudes et dissemblances.

Dans ces deux dossiers qui n'ont prima facie de commun que le fait d'être jugés le même jour par la même chambre du même tribunal, les similitudes sont légion mais c'est une dissemblance qui va faire la différence quant aux réquisitions du parquet que le tribunal suit, en général ou du moins souvent, benoîtement. Parmi les similitudes, il y a dans ces deux dossiers le profil de la victime qui est une adolescente de 16/17 ans et le prévenu, âgé d'une trentaine d'années d'origine antillaise, qui nie tout en bloc.

Au titre des dissemblances, les faits allégués dans le premier dossier sont d'une particulière gravité, ont fait l'objet d'une instruction plus ou moins longue, relèvent de la cour d'assises et ont été correctionnalisés comme c'est parfois — souvent — le cas. Dans le second dossier, les faits ne présentent « aucune gravité particulière  » et se sont déroulés il y a à peine quelques semaines, le mis en cause a été placé en garde à vue un mois plus tard pendant environ 36 heures et il comparaît deux semaines après. On a plutôt à faire à un « gros drageur », sans doute « collant », un peu beaucoup « excessif » mais sans passage à l'acte et les éléments constitutifs du délit prévu à l'article 222-22 du code pénal font manifestement défaut.

Il s'agit en fait d'un crime correctionnalisé en délit dans un cas et d'un comportement irrespectueux envers les femmes dans l'autre qui relèverait du tribunal de police mais le point crucial de dissemblance — qui va faire qu'ils vont être jugés par la même juridiction — est que dans le premier dossier, il s'agit d'un primo-délinquant qui malgré une circonstance aggravante va bénéficier de toute la clémence de la justice et dans le second, il s'agit d'un habitué avec déjà, à 30 ans, une dizaine de condamnations à son palmarès depuis sa majorité.

Dans le premier dossier, l'adolescente explique qu'à l'occasion d'une soirée fort arrosée entre amis, après avoir beaucoup bu et avoir fumé deux joints, elle ne se sentait pas très bien et quelqu'un l'a transporté dans une chambre pour qu'elle puisse se reposer et reprendre ses esprits. Compte tenu de son état, la jeune fille a du mal à préciser, dans le détail et par le menu, tout ce qui s'est passé mais elle narre plusieurs allées et venues du prévenu dans la chambre et il y aurait eu notamment déshabillage, pénétration vaginale, cunilingus, prise de deux photographies du sexe de la jeune par le prévenu avec son téléphone mobile (qui est la seule chose qu'il ne nie pas),... Réquisitions du parquet : 30 mois avec sursis que le tribunal suivra et allouera 5 000 euros à la plaignante.

Dans le second dossier, l'adolescente explique qu'en stage de cuisine dans un hôpital parisien, elle s'apprêtait à emprunter l'ascenseur lorsqu'un individu l'accoste pour lui suggérer de prendre plutôt le monte-marge qui est plus rapide. Elle accepte de le suivre et ils échangent quelques banalités. Ils continuent à discuter dans le monte-charge et à un moment donné, une dame pénètre dans le monte-charge et en ressort quelques instants plus tard après avoir atteint son point destination. C'est à ce moment-là sans doute, qu'en continuant d'aller du rez-de-chaussée au septième étage et du septième étage au rez-de-chaussée que la jeune fille explique que l'individu a essayé de l'embrasser mais il n'y est pas parvenu car elle a détourné sa tête, il a ensuite tenté de lui montrer son sexe en écartant sa blouse d'infirmier mais elle n'a rien vu car elle a détourné sa tête. Il y a eu une seconde tentative de baiser qui n'a pas, non plus, été couronnée de succès car elle a fort adroitement tourné la tête au bon moment. Et à un moment donné, elle s'est légèrement tournée et il a posé sa main sur sa cuisse droite. Réquisitions du parquet : 8 mois d'emprisonnement ferme que le tribunal, dans sa grande sagesse, sans aller jusqu'à la relaxe qui s'imposait juridiquement, n'a retenu que si le prévenu reconnu coupable ne respecte pas trois obligations (suivi socio-judiciaire, injonction de soins et dédommager la victime) au cours des trois prochaines années. 2 000 euros pour la plaignante.

Ces deux dossiers démontrent clairement que la peine encourue est directement liée au passé ou à l'absence de passé judiciaire de la personne poursuivie sans aucune prise en compte de la gravité ou de la matérialité des faits allégués.