Justice : Faut-il mettre le parquet au niveau des parties ?

Une salle d'audience : en face les magistrats du siège, à gauche le parquet et à droite le greffier ou, parfois, l'inverse.

Dans les nouveaux locaux en construction de la cour d’appel de Fort-de-France (Martinique), le parquet sera placé au niveau des parties et non plus des magistrats du siège, se désole l’Union syndicale des magistrats (USM) qui dénonce des pressions du bâtonnier local sur la garde des sceaux pour parvenir à cette « exception martiniquaise ».

« Le barreau local a exigé de vous que les salles d’audience de la cour d’appel soient aménagées de telle sorte que le ministère public soit désormais placé au niveau des parties », écrit jeudi la présidente de l’USM Virginie Duval à la ministre de la justice Christiane Taubira dans une lettre rendue publique par le syndicat qui dit avoir appris cette « information » avec « la même incrédulité que les magistrats locaux qui n’avaient pas été consultés préalablement à ce qui s’apparenterait à une décision unilatérale ».

Cette décision, si elle est confirmée, est « particulièrement choquante au plan des principes et appelle[ra] de notre part une totale réprobation et les plus vives protestations », poursuit le syndicat qui considère que les magistrats du parquet — membres à part entière de l’autorité judiciaire, représentants de la société, défenseur de l’intérêt général et un tenus à un devoir d’impartialité — ne sauraient être « symboliquement placés sur le même rang que les parties ».

Balayant d’un revers de main, « le sempiternel débat sur la soi-disant "erreur de menuisier" », Mme Duval rappelle à la garde des sceaux la jurisprudenceCEDH, 2 oct. 2003, n° 71991/01, Morillon c/ France ; 9 déc. 2003, n° 72531/01, Chalmont c/ France ; 31 mai 2012, n° 38560/04, Diriöz c/ Turquie. de la cour européenne des droits de l’homme qui ne trouve rien à redire à ce que le parquet soit placé au même niveau que les magistrats du siège dans la mesure où si cela donne au ministère public « une position "physique" privilégiée dans la salle d’audience, elle ne place pas l’ "accusé" dans une situation de désavantage concret pour la défense de ses intérêts ».

Fort de cette bénédiction strasbourgeoise sur l’emplacement du parquet, le syndicat met en garde contre cette « exception martiniquaise » qui sera« exploitée » par ceux qui émettent « des prétentions identiques à l’occasion de la construction » du nouveau palais de justice de Paris.

Le syndicat semble d’autant plus chagriné que l’aménagement des salles était presque achevé et que pour répondre aux exigences du bâtonnier de Fort-de-France Raphaël Constant de déplacer le ministère public au niveau des parties, il va falloir « démonter une partie de l’agencement déjà effectué et d’ordonner des travaux supplémentaires, non prévus initialement […] une telle gabegie est injustifiable ». La ministre de la justice n’a ni confirmé ni démenti.