Justice : La cour de cassation réclame un débat de société

Le premier président et le procureur général de la Cour de cassation, plus haute juridiction française, ont demandé jeudi un « débat de société » sur la justice, face aux mesures sécuritaires post-attentats et face au pouvoir politique.
« Pourquoi l'autorité judiciaire est-elle ainsi évitée ? », s'est demandé Bertrand Louvel, premier président de la Cour, lors d'une audience solennelle au palais de justice de Paris à laquelle assistait la ministre de la justice Christiane Taubira. « Gouvernement, parlement, conseil constitutionnel ont convergé pour ne pas désigner le juge judiciaire dans ces lois récentes », a dit le plus haut magistrat de France en référence à la loi sur le renseignement et à la loi sur l'état d'urgence. Le législateur ne s'est, selon lui, « pas tourné spontanément vers l'autorité judiciaire » pour assurer le contrôle de l'application de ces textes « qui intéressent pourtant au premier chef la garantie des droits fondamentaux ». Le procureur général Jean-Claude Marin a, lui, parlé d'un « risque considérable pour l'État de droit » si, « à la lumière de l'activisme des services dans le cadre de l'état d'urgence, on en venait à imaginer d'en faire [...] un régime de droit commun ».
Les deux hauts magistrats ont aussi évoqué l'indépendance de la justice, un sujet redevenu brûlant. François Hollande a en effet proposé mercredi de faire voter une délicate réforme constitutionnelle renforçant l'indépendance du parquet, qui était dans son programme de campagne, en même temps que les mesures post-attentats. « La justice a besoin [...] de permanence dans la planification de ses besoins et de ses moyens. Ne faut-il pas songer enfin à une gestion qui soit soustraite aux aléas des changements de politiques ministérielles et confiée à un organe qui n'en soit pas dépendant ? », a demandé le premier président de la Cour. En réponse à celles et ceux qu'une plus grande indépendance du pouvoir judiciaire inquiète, et en faisant référence aux affaires politiques et économiques, le magistrat a lancé : « Le chiffon rouge du gouvernement des juges n'est en réalité agité que pour faire obstacle à l'accomplissement démocratique d'une véritable séparation des pouvoirs ».
M. Marin, s'insurgeant plus particulièrement contre « l'assimilation stupide et blessante d'un parquet "bras armé du pouvoir" », a appelé à « consolider le principe d'indépendance de la justice » et à « consacrer la rupture du lien [du parquet] avec l'exécutif ». La réforme proposée par M. Hollande obligerait notamment le gouvernement à suivre les avis du conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour les nominations des procureurs, comme c'est déjà le cas pour les juges.