Justice : Le CNB en "colère" contre le projet de loi de programmation

Le Conseil national des barreaux (CNB) dit avoir été destinataire vendredi dernier du projet de loi de programmation pour la justice et avoir « signifié » aussitôt, à la garde des sceaux Nicole Belloubet et aux services de la chancellerie, sa « colère » au regard de « la méthode et de l’orientation d’un texte qui fait trop peu de cas des avocats et de ce qu’ils représentent ».
L’institution représentative des quelque 67 000 avocats de France se dit « inquiète » du renvoi par l’exécutif à des ordonnances et la « méthode » retenue ne lui semble pas « acceptable » dans la mesure où il n’y aurait pas eu de « véritable concertation » malgré « le travail [en amont] et [ses] propositions ».
Parmi les propositions pénales jugées inacceptables, le CNB cite notamment le projet de création d’un tribunal criminel départemental qui serait, pour certaines infractions, compétent en lieu et place de la cour d’assises, outre des interceptions de communications électroniques et de géolocalisation facilitées, l’extension des enquêtes sous pseudonyme, une réforme de la garde à vue, le développement du recours à la vision-conférence pour l’interrogatoire de première comparution, la possibilité de recourir à une procédure de CRPC sans avocat,… autant de mesures et bien d’autres considérées comme marquant « un recul significatif » des droits de la défense mais aussi de la « victime dans la procédure pénale ».
Sur le plan civil, la déjudiciarisation de la vente aux enchères — au profit des notaires — n’est bien évidemment pas du tout du goût des avocats qui craignent que cette proposition ne mette « en péril la capacité des CARPA à financer des missions de service et notamment la gestion de l’aide juridictionnelle ». Sont également critiqués l’élargissement du domaine de la conciliation préalable obligatoire qui n’assure pas « la place de l’avocat », ainsi que la reforme des procédures familiales et les dispositions relatives aux tutelles et aux majeurs protégés qui n’ont fait l’objet d’une réflexion préalable.
La présidente du CNB Christiane Féral-Schuhl se serait entretenue dès hier soir avec la ministre de la justice Nicole Belloubet et une réunion est prévue demain matin et à cette occasion des « propositions réglementaires qui viendront préciser l’équilibre global de [la] réforme » devraient être mise sur la table et, à défaut de bénédiction par le triumvirat constitué par la présidente du CNB, le bâtonnier de Paris Marie-Aymée Peyron et le président de la Conférence des bâtonniers Jérôme Gavaudan, la menace d’ « actions et mobilisations de la profession », qui seront arrêtées dès ce vendredi 16 mars, est d’ores et déjà lancée.
Du côté de la place Vendôme, on met en exergue une volonté de simplification de la procédure pénale et la procédure civile avec un plan de transformation numérique qui devrait mieux répondre aux besoins du justiciable à moindre coût, outre un sens et une efficacité à donner à la sanction pénale dans une organisation judiciaire mieux pensée.
À la suite d'un courrier du directeur de cabinet de la garde des sceaux, Mathieu Hérondart, reçu et diffusé dans la matinée de ce vendredi 16 mars, le CNB se réjouit que la Chancellerie accepte de « reprendre sa copie sur un certain nombre de points bloquants » et il est notamment fait droit à la demande de retrait du projet de loi de la disposition réformant la procédure de saisie immobilière et il n'était nullement question que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CPRC) se fasse sans avocat. C'était un simple malentendu, la ministre de la justice « souhaitant dans les [tout] prochains jours continuer les échanges pour améliorer encore, le cas échéant, l'avant-projet de loi ».