Justice : Palabres autour du contrôle de la cour de cassation

Le premier président de la cour de cassation, Bertrand Louvel, et le procureur général, Jean-Claude Marin, ont rencontré ce matin le garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, à la suite de la création, par un simple décret de l'ancien premier ministre Manuel Valls en date du 5 décembre 2016, de l'Inspection générale de la justice (IGJ) ayant une mission permanente d’inspection, de contrôle, d’étude, de conseil et d’évaluation sur toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, y compris la Cour de cassation.
Dès la publication du décret
Lors d'une rencontre ce matin entre les trois hommes, les deux magistrats disent avoir insisté sur « l'image dégradée que la France [par ce décret] donne de la place qu'elle semble réserver à sa Cour suprême judiciaire » qui se trouvent désormais, estiment-ils, dans un « statut dévalorisé par rapport à celui des autres Cours suprêmes nationales et des Cours suprêmes des démocraties modernes ».
Bertrand Louvel et Jean-Claude Marin indiquent, dans un communiqué, avoir suggéré au ministre de la justice d'explorer la piste ouverte par l'article 20 de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui investit celui-ci d'une mission générale d'information à l'égard de l'ensemble des juridictions en ces termes :
Chaque formation du Conseil supérieur peut charger un ou plusieurs de ses membres de missions d'information auprès de la Cour de cassation, des cours d'appel, des tribunaux et de l'Ecole nationale de la magistrature.
Et pour que le principe de la séparation des pouvoirs soit pleinement respecté, la cour de cassation se demande si toutes les missions prévues par le décret du 5 décembre 2016 concernant l'ensemble des juridictions ne pourraient pas être exercées par des membres de l'Inspection générale de la justice placés, à cet effet, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature. Une piste qui aurait tout aussi bien pu être explorée avant la publication du décret litigieux.
Fait de non-recevoir du garde des sceaux qui entend bien à ce que le décret litigieux créant l'IGJ soit aussi bien applicable à la cour de cassation qu'à toutes les autres juridictions judiciaires tout en rappelant le « respect absolu de l'indépendance de l'autorité judiciaire et l'impossibilité de toute interférence extérieure dans l'acte de juger ».
Jean-Jacques Urvoas souligne par ailleurs que la création de cette inspection pour l'ensemble du ministère de la justice est en fait une proposition de la Cour des comptes et qui a fait l'unanimité au parlement lors de son adoption par la loi du organique du 8 août 2016. L'idée d'un Conseil de justice, gérant l'ensemble des moyens des juridictions (ressources humaines, inspection, budget, immobilier, école) et souhaité par la cour de cassation, n'est pas, souligne le ministre, « partagée » par le gouvernement et les deux chefs de cour devront, du moins pour l'instant, en faire leur deuil.