Justice : Taubira veut imposer sa réforme de l'AJ

La ministre de la justice Christiane Taubira a justifié jeudi son projet de réforme de l'aide juridictionnelle (AJ) contre lequel sont mobilisés les avocats en grève, se disant convaincue qu'une clarification de son projet fera « tomber la tension ».
Interpellée sur France Inter par le président du syndicat des avocats de France (SAF), Florian Borg, qui l'a accusée de vouloir mettre fin « à une politique sociale majeure », la garde des sceaux a vigoureusement défendu son projet.
L'aide juridictionnelle permet aux plus démunis d'accéder à un avocat. Selon le Conseil national des barreaux (CNB) qui représente les avocats français et qui est à l'origine du mouvement lancé mardi, 125 des 164 barreaux du territoire étaient en grève jeudi soir.
« Depuis notre arrivée, le budget de l'AJ a augmenté. J'ai supprimé dès 2014 le timbre à 35 euros qui rapportait 60 millions d'euros [que les justiciables devaient payer pour engager une procédure, ndlr] et nous avons comblé cette somme dans le budget de l'AJ », a rappelé Mme Taubira. « Nous avons augmenté l'unité de valeur socle [équivalente à une demi-heure de travail d'un avocat, passée de 22,50 euros à 24,20 euros] ce qui n'avait pas été fait depuis 2007. En plus, nous avons proposé une contractualisation qui permet de passer de 24 euros à 30 euros dans certains territoires où il y a des besoins spécifiques », a-t-elle rappelé.
Pour la ministre, le système actuel était « à bout de souffle » et le réformer est indispensable si on ne veut pas le voir imploser. « Aujourd'hui, 57 % de l'AJ est faite par 7 % des avocats et 84 % de l'AJ est faite par 17 % des avocats. C'est une profession qui se paupérise. Il y a de gros cabinets d'affaires et de nombreux cabinets moyens qui ne participent pas à l'AJ. La question est comment on répartit l'AJ sur la profession », a résumé la ministre avant de détailler ses propositions.
« Les avocats ont une caisse, la CARPA, dans laquelle transitent les fonds de leurs clients et qui rapporte des produits financiers. Ces produits s'élèvent à 75 millions d'euros dont le quart pour le barreau de Paris. Ce que nous proposons, c'est que pour l'année qui vient, cinq millions d'euros soient affectés à l'AJ et l'année d'après 10 millions d'euros. À partir de 2018, un fonds de participation de l'ensemble des professions judiciaires prendra le relais », a expliqué la garde des sceaux. L'État versera en outre 25 millions pour revaloriser les UV des avocats et le plafond d'accès pour bénéficier à l'AJ sera relevé de 941 à 1 000 euros par mois, « ce qui permettra à 100 000 personnes d'entrer dans l'AJ à 100 % ». Pour la ministre, une meilleure explication du projet suffira à convaincre les mécontents. « Chaque fois que j'ai circulé et donné les informations, la tension est tombée », a-t-elle assuré.
L'Assemblée nationale a voté jeudi soir le volet du projet de budget pour 2016 touchant à l'aide juridictionnelle, nécessaire selon le gouvernement pour contribuer à la réforme d'un système « à bout de souffle » mais contesté par les avocats, la droite et le centre. La ministre de la justice Christiane Taubira, qui a souligné la hausse du budget de l'aide juridictionnelle depuis 2012, a mis en avant devant les députés le « courage politique » de continuer à réformer un système « à bout de souffle ».
La garde des sceaux a aussi insisté, sans rire, sur la « concertation » menée depuis « pratiquement trois ans » avec les représentants de la profession d'avocats, mais évoqué les discussions « rompues depuis deux-trois jours ». Inscrite à l'article 15 du projet de loi de finances débattu en première lecture, la poursuite de la réforme de l'aide juridictionnelle comporte plusieurs mesures pour affecter de nouveaux moyens financiers à l'AJ que les avocats ne sont pas disposés à accepter.
Les Républicains, qui ont proposé, en vain, la suppression de l'article sur l'aide juridictionnelle, ont reproché au gouvernement d'être « généreux avec les poches des autres » et suggéré de rétablir le droit de timbre de 35 euros supprimé par l'actuelle majorité de gauche. L'UDI Charles de Courson s'est interrogé sur une ponction sur des « fonds privés », le secrétaire d'État au budget Christian Eckert lui rétorquant qu'il s'agissait « d'un impôt ».