Liberté d'installation : Le nombre d’offices d’avocats aux Conseils porté de 60 à 64 d’ici 2018

L'Autorité de la concurrence a rendu lundi un avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (avocats aux Conseils) recommandant la création de quatre offices supplémentaires d'ici 2018 en application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron.
En passant de 60 à 64, le nombre d’offices d’avocats aux Conseils augmenterait de 6,67 %, il s’agit d’une recommandation
Pour 60 offices, le nombre de professionnels est passé de 91 à 112 entre 2004 et 2016
En tant qu'officiers ministériels, les avocats aux Conseils sont nommés par le garde des sceaux et interviennent essentiellement devant les hautes juridictions des ordres administratif (Conseil d'État) et judiciaire (Cour de cassation). Ils y bénéficient, dans la majorité des matières, d'un monopole de la représentation des justiciables (dépôt du pourvoi en cassation, des mémoires et présentation d'observations orales). Si ces prestations exclusives représentent 90 % de leur activité, les avocats aux Conseils peuvent également intervenir devant d'autres juridictions (tribunaux administratifs, cours administratives d'appel, Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l'homme, Cour de justice de l'Union européenne,…) et exercer, en concurrence avec les avocats à la Cour, une activité de conseil juridique.
Le nombre d'offices — soixante — n’a pas été modifié depuis la date de création de la profession en 1817. Quant au nombre de professionnels, il est passé de 91 en 2004 à 112 en 2016 (+ 23,08 %). En dehors des dossiers relevant de l'aide juridictionnelle totale ou partielle, les honoraires pratiqués par les avocats aux Conseils sont libres.
L'Autorité considère qu'un marché de niche, réservant des prestations exclusives à un petit nombre de professionnels, peut être à l'origine d'un phénomène de « rente » dont les effets négatifs doivent être corrigés via la suppression du monopole ou la régulation tarifaire ou une combinaison de ces deux possibilités. Contrairement aux autres officiers ministériels (notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs judiciaires et greffiers des tribunaux de commerce), l'Autorité indique ne pas avoir été associée aux réflexions sur le mode de régulation optimal de cette profession très spécifique en amont des travaux parlementaires mais le législateur lui a confié pour mission, aux termes de l’article 57 de la loi Macron précitée, d'identifier « le nombre de créations d'offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante » et « de faire toutes recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices ».
Un bénéfice annuel moyen par professionnel de 543 000 € sur la période 2010-2014
L'Autorité se limite donc à proposer une augmentation progressive du nombre d'offices et à formuler au gouvernement des recommandations pour améliorer l'accès à ces mêmes offices, recommandations qui s'appuient sur « une analyse approfondie » de l'évolution du contentieux devant les deux hautes juridictions et devant les juridictions du fond, de considérations liées à la bonne administration de la justice, des données retranscrivant l'activité économique des offices existants, ainsi que sur les résultats de la consultation publique lancée en février dernier.
La conjonction d'un faible nombre de professionnels, de prestations exclusives, d'une organisation flexible par le recours massif à des collaborateurs libéraux pour traiter les dossiers et d'une liberté tarifaire totale, conduit à une situation très favorable pour les professionnels en place. Le bénéfice moyen par professionnel s'est ainsi élevé à 543 000 euros par an, sur la période 2010-2014, soit 45 250 euros par mois. Ce niveau d'activité s'explique en partie par le grand nombre de dossiers traité par chacun d'entre eux (468 affaires par an en moyenne et un maximum de 1 800). Il existe donc un potentiel d'accroissement du nombre des offices qui bénéficiera tant aux clients qu'aux nouveaux entrants.
Pour limiter à quatre le nombre d’offices dont la création est envisageable, l'Autorité a tenu compte, d'une part, du nombre limité des candidats potentiels à l'installation en tant qu'avocat aux Conseils qui seulement d’une dizaine et, d'autre part, de l'évolution du contentieux devant le Conseil d'État et la Cour de cassation qui est incertaine sur longue période, il a diminué de 5,4 % entre 2010 et 2015 et les incertitudes sont par ailleurs renforcées par les projets de réformes, notamment sur le filtrage des pourvois, envisagées au sein de la Cour de cassation.
La situation des avocats aux Conseils est bien différente de celles d'autres professions réglementées examinées par l'Autorité, comme les notaires, dont l'activité a fortement progressé au cours des quinze dernières années, est directement corrélée à l'évolution de la population et des marchés immobiliers, et présente des perspectives dynamiques d'évolution au cours des prochaines années.
C’est compte tenu de cet aléa que l'Autorité a adopté une approche prudente pour les deux ans à venir, en recommandant la création de quatre offices, chacun pouvant accueillir au maximum quatre avocats aux Conseils associés. Ce premier avis, précise l’Autorité, ne préjuge pas des recommandations qui pourront être formulées à l'avenir, lors du prochain examen biennal de l'offre de services des avocats aux Conseils, qui tiendra notamment compte de « l'évolution observée du contentieux et des réformes conduites, voire abouties, du modèle français de cassation ».
L'Autorité a également dévoilé 14 recommandations visant à rendre la procédure de créations d'offices plus transparente et à limiter les restrictions d'accès à cette profession, dont notamment l’allongement du délai de dépôt des candidatures relatives à la création d'offices et de rendre plus transparente la procédure de classement des candidats aux offices créés, la réduction des barrières à l'entrée pour ces candidats, faire connaître la profession aux étudiants en droit et aux avocats à la Cour pour élargir le vivier des futurs candidats à l'installation et l’amélioration de l'accès des femmes aux offices.