Loi de finances 2018 : Riches et pauvres, tous gagnants ou tous perdants ?

Le projet de loi de finances pour 2018 est diversement commenté par les médias qui ne veulent voir que le verre à moitié vide ou celui à moitié plein car effectivement, ni de gauche ni de droite ou plutôt ni totalement de gauche ni totalement de droite, il y en a une pincée pour les uns et guère davantage pour les autres, c’est-à-dire pas suffisamment et pas assez rapidement, ce qui donne de quoi alimenter la critique aussi bien à droite qu’à gauche qu’on en fait de trop ou pas assez pour telle ou telle catégorie.
Les « riches » vont bénéficier de la suppression de l’impôt sur le fortune (ISF) qui ne subsistera que très partiellement sous la forme d’un impôt sur la fortune immobilière (IFI), autant dire rien puisqu’il suffira de mettre le patrimoine immobilier — s’il excède 1,3 million d’euros — dans une poche sociétale pour en être dispensé. Ils vont également bénéficier de la baisse de l’impôt sur les sociétés (IS), de la flat tax sur les intérêts et dividendes et autres mesures et mesurettes destinées à créer un « climat de confiance généralisé » parmi les investisseurs pour les inciter à prendre des risques et à créer des emplois mais, en revanche, les jeunes « retraites aisés » — à l’instar des retraités smicards — seront « lourdement pénalisés » par la CSG au taux plein et la taxe d’habitation dont ils ne seront pas exonérés. Imaginez donc, 136 euros de moins par mois, soit pas moins de 1 632 euros par an, au titre de la CSG pour un jeune couple de retraites qui cumule 8 000 euros de revenus de retraite par mois.
Les « pauvres » vont bénéficier, quant à eux, de la suppression de la taxe d’habitation, de la suppression des cotisations chômage et maladie, de la hausse de la prime d’activité (20 € par mois en 2018 et autant les années suivantes, soit 80 € de plus par mois d’ici 2021), de la hausse du minimum vieillesse (30 € par mois en 2018, et 35 € les deux années suivantes, soit 100 € de plus d’ici 2020), la hausse de l’allocation adulte handicapé (AAH) de 50 € en 2018 et de 40 € en 2019 pour la porter à 900 € par mois, outre une hausse de 30 % du complément de libre choix de mode de garde pour les familles monoparentales dès 2018, la transformation de la réduction d’impôt sur les services à la personne par un crédit d’impôt pour les retraités modestes et de nombreuses aides à la transition écologique (chèque énergie pour les bas revenus leur permettant de régler factures d’énergie et financer travaux de rénovation, 3 000 € en cas de remplacement d’une vieille chaudière fioul par une chaudière utilisant les énergies renouvelables, doublement de la prime à la conversion automobile,…).
Une palette de mesures et mesurettes qui auraient dû contenter tout le monde et qui en fait ne contente personne car les Français sont des éternels insatisfaits, mécontents et en veulent toujours plus.
Pour les convaincre qu’ils ont tort, les services du ministère de l’économie se sont livrés à de petits calculs « indicatifs » pour toutes les catégories (salariés, familles, indépendants, retraités et handicapés), les gains effectifs de pouvoir d’achat dépendent en effet de la situation particulière de chacun, est-il précisé.
Un salarié célibataire smicard qui paie une taxe d’habitation (TH) de 427 euros par an bénéficiera d’un gain de pouvoir d’achat de 34 euros par mois dès la fin 2018, 66 euros fin 2019 et 119 euros à la fin du quinquennat, soit 1 425 euros par an, ce qui représente, est-il souligné, un treizième mois. En couple, au smic et avec une TH de 615 euros par an, le gain est respectivement de 53 euros, 111 euros, et 208 euros. Quant au couple légèrement nanti disposant de 4 000 euros par mois et une TH de 621 euros, le gain respectivement de 81 euros, 74 euros et 67 euros est fort appréciable.
Côté familles, les exemples sont fort explicites, tous les pauvres sont gagnants, qu’il s’agisse de la famille monoparentale avec deux enfants disposant de 2 000 euros par mois (+65 €, +86 € et +107 € respectivement) que du couple avec le même nombre d’enfants qui dispose, lui, de 2 303 euros (+70 €, +134 € et +238 €) ou du couple imprudent avec trois enfants disposant de 4 000 euros (+98 €, +123 € et +148 €).
Pour ne pas compliquer les calculs outre mesure, tous les indépendants « pauvres » sont célibataires et sont tous gagnants dès lors qu’ils parviennent à gagner entre 1 208 euros par mois (+44 €, +72 € et +106 €) et 2 500 euros (+45 €, +31 € et +31 €). Quant aux retraités, ceux qui sont au minimum vieillesse et ne paient pas de TH et bénéficient de l’APL vont voir leur situation s’améliorer (+25 €, +60 € et 95 €), y compris ceux qui sont seuls avec une retraite de 1 428 euros par mois qui paient une TH de 494 euros par an et emploient une aide à domicile à concurrence de 1 200 euros par an : leur pouvoir d’achat va respectivement augmenter de 36 euros, 51 euros et 65 euros du fait de la transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt pour les services à la personne. À tous les autres retraités, il leur est demandé de faire un effort pour le bien des générations futures et le succès de ce quinquennat.