Magistrats victimes : Les avocats protestent fermement

Le président du Conseil national des barreaux (CNB) Pascal Eydoux demande à être reçu par le garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas pour lui faire part « des protestations fermes de la profession » et lui dire tout le mal qu’il pense du rapport diffusé mardi concernant la protection des magistrats.
Réunie en assemblée générale hier et aujourd’hui, l’instance représentative de la profession d’avocat semble consternée par un rapport, dont LexTimes.fr s’était fait l’écho, qui « croit pouvoir relever la montée en puissance de tentatives de déstabilisation émanant de la défense » et l’adoption par les avocats d’une défense « beaucoup plus agressive avec l’institution judiciaire, dans un but évident de perturber le cours normal de la justice ».
Trop c’est trop et le CNB dit ne pouvoir « admettre » que ce rapport fasse état de « stratégies de tension » qui se diffuseraient « désormais largement, y compris dans des barreaux qui n’étaient pas adeptes d’une défense de rupture, sous l’influence, d’une part, de quelques cabinets qui interviennent sur l’ensemble du territoire national et, d’autre part, d’une nouvelle génération d’avocats qui n’hésitent plus à s’attaquer directement aux magistrats » et crie à la stigmatisation et à la diffamation de toute une profession.
Ce rapport n’est pas « objectif », selon cette délibération adoptée hier à l’unanimité par l’assemblée générale du CNB, en ce qu’il dénonce des avocats trop spécialisés « lorsqu’ils interviennent en défense » et trop peu spécialisés « lorsqu’ils assistent un magistrat dans le cadre du dispositif de la protection statutaire ». Une contradiction majeure qui fait bien peu de cas de la liberté d’action et d’expression de l’avocat consacrée, rappelle la rue de Londres, par les textes internationaux et européens.
La Cour européenne des droits de l’homme ayant eu l’occasion, à plusieurs reprises, de juger que les avocats occupent « une position centrale dans l’administration de la justice en leur qualité d’intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux […] à ce titre, ils jouent un rôle clé pour assurer la confiance du public dans l’action des tribunaux, dont la mission est fondamentale dans une démocratie et un État de droit »
Soumis à une stricte déontologie dont le respect est sanctionné par les conseils de discipline sous le contrôle des cours d’appel et de la cour de cassation, ces attaques contre toute une profession par trois directions du ministère de justice sont assez incompréhensibles mais le dialogue n’est pas rompu et il faut, concède le CNB, évoquer « les comportements susceptibles de caractériser, de part et d’autre, des manquements aux principes déontologiques et d’y apporter une réponse appropriée » avant d’annoncer qu’il va rencontrer le garde des sceaux pour lui faire part « des protestations fermes de la profession et lui rappeler que toute mise en œuvre de mesures de bonne conduite réciproque doit procéder d’une concertation constructive et respectueuse ».
Mesures, est-il précisé, qui ne peuvent être que « proportionnées et conformes aux principes de liberté et d’indépendance » dont doivent jouir les avocats dans l’exercice de leur ministère.
Dans un communiqué diffiusé lundi 4 juillet, le barreau de Paris se dit « scandalisé par l'image que donne ce rapport de[s] avocats [... qui y sont] présentés comme des menaces pour les magistrats ». Affirmation sans fondement, sans preuve, sans témoignage, pour le premier barreau de France qui, s'il admet que « des menaces pèsent effectivement quotidiennement sur l'ensemble de la famille judiciaire [...] de nombreux avocats sont également victimes d'intimidations, verbales voire physiques », ce groupe de travail fait « manifestement le choix irresponsable de la division, montant les magistrats contre les avocats ».