Magistrats : La refonte du Recueil des obligations déontologiques ne plaît pas aux syndicats

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) procède actuellement à une consultation, « limitée » aux anciens membres du CSM, aux conférences des chefs de cour et de juridiction et aux organisations syndicales, pour la mise à jour de son Recueil des obligations déontologiques des magistrats dont la première version a été publiée au mois de juin 2010, a-t-on appris par l’USM (Union syndicale des magistrats, majoritaire) qui critique, tant sur la forme que sur le fond, cette nouvelle mouture du Recueil en gestation qui comprendrait dorénavant deux parties.
Les « valeurs du magistrat » que sont « l’indépendance », « l’impartialité », « l’intégrité et la probité », « la loyauté », « la conscience professionnelle », « la dignité », « le respect et l’attention portés à autrui » et « la réserve et la discrétion » dans une première partie et une deuxième partie consacrée à une approche thématique « le magistrat, les technologies de l’information et la communication », « le magistrat et ses proches », « le magistrat et ses autres activités », « le magistrat et ses engagements », « le magistrat confronté à la justice », « le magistrat à l’audience », « le management », « le magistrat et sa carrière », « le magistrat et les pouvoirs locaux » et « le magistrats, les avocats et autres auxiliaires de justice ».
Les critiques suscitées par le projet de recueil révisé sont « nombreuses, diverses et importantes », écrit l’USM au terme de onze pages d’observations adressées le 9 octobre au CSM et mises en ligne jeudi sur son site en même temps que le texte du projet lui-même.
Les critiques « touchent, conclut le syndicat, non seulement la forme, éminemment perfectible, mais aussi le fond, avec notamment des erreurs de positionnement institutionnel, des obligations en décalage avec les exigences des métiers, une confusion entre ce qui relève de la déontologie et ce qui relève de la formation, du bon sens, des usages mais aussi des choix politiques ou des règles fluctuantes édictées par les différents CSM en matière de nomination » et sollicite que ce projet « ne soit ne soit pas rendu public en l’état et que la réflexion […] se poursuive ».
Sur la forme, l’USM dénonce la méthode utilisée, l’architecture de la première partie ainsi que la conception même en deux parties. Contrairement à la première mouture publiée en 2010 pour laquelle tous les magistrats « avaient été consultés, tout au long des travaux, par l’intermédiaire des cours d’appel » et avait permis de « ne pas plaquer sur le corps des règles, préceptes ou obligations en décalage avec les méthodes de travail et exigences des différents services et […] fonctions », l’actuelle consultation mise en place pour cette mise à jour intervient « après achèvement des travaux du CSM » et est limitée à un petit cercle (anciens membres du CSM, conférences des chefs de cour et de juridiction et organisations syndicales) qu’il conviendrait, selon le syndicat, d’élargir à tous les magistrats.
L’USM est encore plus « sévère » sur le fond en soulignant, selon elle, moult « erreurs », « manques », « injonctions paradoxales », « obligations de résultat », « atteintes à la vie privée », outre un « décalage entre les préceptes posés et les conditions de travail ou les exigences des fonctions, traduisant une méconnaissance des métiers », une « confusion entre la déontologie et la politique de mobilité » et, enfin, une « conception archaïque de l’exercice des fonctions de magistrat ».
Sollicité par LexTimes, l’autre syndicat, le Syndicat de la magistrature (SM, minoritaire), n’est pas plus tendre contre ce « document confus comportant une énumération de prescriptions dont certaines très contestables voire dangereuses dans la vision qu’elles donnent du rôle du magistrat, tandis que d’autres dispositions, rappelant le cadre d’intervention du magistrat et la place de la justice dans l’équilibre institutionnel, font défaut ». À plusieurs reprises, le SM demande voire même « exige » que la seconde partie qui « ne constitue qu’un agrégat de fiches pratiques dont la structuration et le contenu sont insuffisamment travaillés […] ne figure pas dans la version finale du recueil » et appelle aussi, à l’instar de l’USM, à « la reprise des travaux dans un care élargi de contributions, pour restructurer le texte de manière satisfaisante ». Les termes « problématique » voire « extrêmement problématique » et « pas acceptable » reviennent à satiété, comme autant d’incantations à plus de « co-construction ».
L’élaboration par le CSM d’un « recueil des obligations déontologiques des magistrats » rendu public est prévue, depuis 2007, par l’article 20-2 in fine de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature, sans aucune précision quant à son contenu ou sa portée normative mais dans l’introduction de la version actuelle, il y est indiqué qu’il « ne constitue pas un code de discipline mais un guide pour les magistrats du siège et du parquet qui appartiennent, en France, au même corps ». Dans une courte vidéo disponible sur son site, le CSM justifie sa démarche pour que le Recueil devienne un « outil facilement appréhendable » avec une déclinaison des valeurs dans la première partie et le quotidien du magistrat dans la seconde.