Marseille : Un ancien avocat jugé pour avoir renseigné un trafiquant de drogue

Un ex-avocat jugé pour avoir renseigné le chef présumé d'un trafic de cocaïne a reconnu mardi devant le tribunal correctionnel de Marseille avoir agi par peur, appât du gain et afin de donner un « nouvel élan » à sa carrière.

Avocat spécialisé dans le droit de la construction et des copropriétés, Jean-Pierre Maillé, 36 ans, avait démissionné du barreau de Perpignan après sa mise en examen en janvier 2013 pour complicité de transport de stupéfiants, association de malfaiteurs et violation du secret de l'instruction. Détenu provisoirement durant deux mois, il comparaît depuis lundi avec sept autres prévenus jugés pour l'importation de près de 250 kilos de cocaïne entre les Pays-Bas et les Pyrénées-Orientales.

Une saisie de 172 kilos avait été opérée en juillet 2011 dans une villa près de Perpignan, mais les trafiquants avaient pu récupérer plus de 70 kilos de drogue ayant échappé aux douaniers grâce à un appel passé par Maître Maillé à l'épouse de Philippe Fournier, un trafiquant qu'il assistait en garde à vue.

Mardi, l'avocat a raconté au tribunal s'être entendu dire  froidement : « Vous allez dire à ma femme qu'il reste de la marchandise ». Il affirme avoir eu peur  :« C'était le ton, le regard, l'impératif. C'était comme un ordre ». Quelques jours plus tard, se faisant passer pour le frère de Philippe Fournier, Christian Parent, considéré par la police comme un parrain de la drogue dans les Pyrénées-Orientales, lançait à l'avocat : « Est-ce que ça vous va 20 000 euros comme honoraires ? » « Pour moi, c'était énorme, c'était 50 % de mon chiffre d'affaires et j'avais de gros problèmes financiers », a avoué Jean-Pierre Maillé au tribunal : « En échange, il me demandait d'être informé de l'avancement du dossier ».

En mars 2012 a aussi lieu dans son cabinet une réunion entre Christian Parent et l'épouse de Philippe Fournier. Celui-ci menaçait de « tout balancer », s'il ne percevait pas des mandats en détention et « un capital de 55 000 euros » pour son épouse. Trois mois plus tard, Didier Valles, un autre membre présumé du réseau, était interpellé et lui aussi assisté par Me Maillé en garde à vue. L'avocat informe alors immédiatement par SMS Christian Parent de cette interpellation, avant de le tenir quotidiennement au courant des déclarations de son client en garde à vue.

Jean-Pierre Maillé, qui assure avoir « fait une croix sur la robe d'avocat », a retrouvé du travail comme juriste salarié. « Cette profession, c'était la fierté de ma mère, femme de ménage, et de mon père, employé d'une mutuelle agricole », a-t-il dit au tribunal, des sanglots dans la gorge. « Si j'ai agi ainsi, c'est que j'étais mort de trouille, je me suis retrouvé piégé », a-t-il affirmé.

Le procureur de la République Dominique Mirkovic a requis mercredi trois ans de prison ferme et l'interdiction définitive d'exercer la profession d'avocat, soulignant que l'ex-avocat « a accepté l'inacceptable, il a trahi son serment de probité et cela fait de lui un trafiquant de stupéfiants au sens légal. En choisissant la morale des voyous, il l'est devenu instantanément ».

Le tribunal l'a condamné jeudi à une peine d'emprisonnement ferme de 30 mois et une interdiction définitive d'exercer la profession d'avocat pour détention et transport de stupéfiants, association de malfaiteurs et violation du secret professionnel. Au moment des faits, Jean-Pierre Maillé était membre de la commission de discipline du barreau de Perpignan.