OPA : Le conseil d’administration de Suez sur la sellette

Le comportement de Suez critiqué par l'AMF.
Le comportement de Suez critiqué par l'AMF.

« La combinaison entre les modifications que la société Suez annonce avoir apportées au dispositif de la fondation de droit néerlandais et la proposition du consortium Ardian-GIP négociée et soutenue par le conseil d’administration de Suez porte atteinte aux règles et principes directeurs applicables aux offres publiques », juge l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans un long communiqué sentencieux diffusé le vendredi saint et alors que les marchés seront fermés pendant quatre jours entiers.

Après avoir rappelé que sa mission consiste à veiller « à la protection de l’épargne, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés » et à définir « les règles relatives aux offres publiques d’acquisition afin d’assurer l’égalité des actionnaires et la transparence des marchés », le gendarme de la bourse souligne que si, pendant la période d’offre, l’article L. 233-32 du code de commerce permet au conseil d’administration de « prendre toute décision […] susceptible de faire échouer l’offre », ce n’est que sous réserve qu’elle s’inscrit dans le cadre des règles et principes régissant les offres publiques fixés notamment par la directive européenne du 21 avril 2004, le code monétaire et financier et, « last but not least », son « règlement général » qui, ensemb le, imposent « un déroulement ordonné des offres publiques et définissent notamment les principes du libre jeu des offres et des surenchères, d’égalité de traitement et d’information des détenteurs des titres concernés, de transparence et d’intégrité du marché, et de loyauté dans les transactions et la compétition ».

Ce préliminaire posé, l’AMF, qui a été destinataire d’un projet d’offre publique (OPA) de Veolia visant les actions de Suez libellé à 18 € l’unité, dit attendre le projet de note en réponse que doit déposer Suez avant qu’elle ne statue sur les mérites du projet de Veolia et c'est dans ces circonstances que l’Autorité dit avoir pris connaissance du communiqué de Suez du 21 mars 2021 intitulé « Suez propose une solution négociée à Veolia soutenue par une offre ferme Ardian-GIP » et celui d’Ardian du même jour intitulé « Ardian et GIP ont remis une offre ferme visant à soutenir la création d’un nouveau Suez dans le cadre d’une solution négociée ».

Disséquant méthodiquement les communiqués de la cible et de son chevalier blanc, le gendarme de la bourse tape du poing sur la table en relevant que les communiqués litigieux font référence à une pseudo « offre ferme du consortium Ardian-GIP et mettent en avant, sans réelles précisions sur le périmètre des actifs concernés, une valorisation de 20 € par action qui ne correspond pas, en réalité, à un prix ou une valeur que les actionnaires de Suez seraient en mesure de recevoir ». C’est de la désinformation pure que l’Autorité, en termes châtiés, qualifie d’une information qui « ne contribue pas à la bonne information des investisseurs ».

Le stratagème du conseil d’administration Suez consiste, relève l’Autorité, à essayer d’obtenir un relèvement du prix de l’offre de Veolia de 18 à 20 € tout en transférant une partie significative des actifs vers le consortium Ardian-GIP ou à ce que Veolia relève le prix pour le tout à un minimum de 22,50 € alors même, s’indigne l’Autorité, que l’expert indépendant n’a pas encore remis son rapport.

Si la recherche d’une « solution négociée » est parfaitement légitime, conclut le gendarme de la bourse, elle doit toutefois s’inscrire dans le strict respect des « principes de transparence et d’intégrité du marché, de loyauté dans les transactions et la compétition, ainsi que du libre jeu des offres et de leurs surenchères » et, au cas particulier, sans le dire expressément de manière tout-à-fait claire et limpide, la déloyauté de Suez — qui a apporté des modifications au dispositif de la fondation de droit néerlandais et qui soutient la proposition du consortium Ardian-GIP négociée par le conseil d’administration — est manifeste et porte « atteinte [aux] règles et principes directeurs » que l’AMF a pour mission de faire respecter. Une semonce à laquelle Suez ne saurait rester sourde d’autant qu’elle a un goût de préalable à une procédure disciplinaire qui pourrait déstabiliser le conseil d’administration dont la démission, Philippe Varin en tête, est à présent attendue par les marchés pour calmer le jeu.

À la clôture de jeudi soir, dans un marché haussier de 0,59 %, le titre Veolia prenait 2,15 % à 22,33 € et Suez 1,58 % à 18,345 €.