Paradise Papers : 400 journalistes dénoncent l’optimisation fiscale

Paradise Papers

Après les « Panama Papers » il y a dix-huit mois, une nouvelle enquête, les « Paradise Papers », mobilise depuis un an le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et ses 400 journalistes et 96 journaux partenaires, dont notamment le Monde en France, le Guardian de Londres et le New York Times, répartis dans 70 pays, pour traquer non pas la fraude ou l’évasion fiscale mais « l’optimisation fiscale » qui n’est peut-être pas tout-à-fait morale mais n’a rien d’illégale et est pratiquée partout par tous.

C’est au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung qu’ont été transmis 6,8 millions de documents (courriels, fiches clients, avis juridiques et mémo internes) provenant du cabinet d’avocats Appleby fondé en 1898 aux Bermudes et présent dans neuf autres juridictions à fiscalité réduite voire nulle et 566 000 documents provenant du cabinet singapourien Asiaciti Trust et à quoi s’ajoutent 6,2 millions de documents issus des registres du commerce et des sociétés de 19 paradis fiscaux (Antigua-et-Barbuda, Aruba, Bahamas, Barbade, Bermudes, Dominique, Grenade, îles Caïmans, îles Cook, îles Marshall, Labuan, Liban, Malte, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Samoa, Trinité-et-Tobago, Vanuatu) pour parvenir à prouver des pratiques légales mais quelque peu immorales.

Et d’emblée, le Monde reconnaît qu’il s’agit de « schémas légaux montés par des bataillons d’experts en optimisation fiscale. L’argent, ici, a le plus souvent été soustrait à l’impôt de façon légale ou aux frontières, grâce aux failles du système fiscal international » et donne, à son corps défendant, un satisfecit aux avocats d’Appleby qui sont « loin de s’affranchir des règles avec autant de désinvolture que leurs homologues panaméens de Mossack Fonseca » mais n’empêche, pour ces 400 journalistes réunis en tribunal populaire jugeant en premier et dernier ressort, « ils contribuent, à n’en pas douter, nous dit-on mezza-voce, par leur génie juridique, à opacifier un monde financier que les États ont toujours plus de mal à contrôler ». Et d’ailleurs, l’Irlande et les Pays-Bas « n’ont rien à envier », pestent ces journalistes déguises en procureurs, aux Bermudes et aux îles Caïmans en matière d’optimisation. Tout est dit en quelques mots, quelques phrases d’introduction. Il n’y a rien d’illégal, c’est le monde qu’il faut changer et une poignée d’illuminés est décidée à partir en croisade pour y parvenir.

Les 96 journaux partenaires décidés à dénoncer l’immoralité des uns et des autres promettent des révélations au cours de toute la semaine. Dès hier soir, c’est l’émission Panorama de la BBC qui a lancé les hostilités et cette après-midi, c’est dans notre quotidien national qu’on a pu découvrir les activités offshore de treize proches du président américain Donald Trump, des sociétés proches de Poutine qui ont investi dans Facebook et Twitter, la reine Elisabeth II qui a aussi investi ses revenus dans des places offshore, le principal collecteur de fonds du premier ministre canadien Justin Trudeau Stephen Bronfman qui a placé des actifs offshore et même, oui même un quart du total des investissements étrangers canadiens serait investi dans des paradis fiscaux, la Barbade est ainsi le troisième pays — après les États-Unis et le Royaume-Uni — où les multinationales canadiennes investissent le plus.

Il faut rappeler à tous ces journalistes et médias en mal de sensationnel pour vendre davantage de papier que payer ou vouloir payer moins d’impôts en recourant à des experts et à des moyens légaux est parfaitement sain et légal et qu’en revanche, le vol et le recel d’informations confidentielles obtenues de manière illicite en pénétrant ou en favorisant l’intrusion dans des bases de données est répréhensible et punissable dans la plupart des juridictions dont relèvent les hackers des journalistes concernés. Et à l’instar du secret professionnel des avocats qui a pour limite la complicité avec son client ou la fourniture des moyens pour lui permettre de commettre l’infraction, le secret des sources des journalistes a aussi les mêmes limites…