PénélopeGate : La compétence du parquet national financier

Les avocats de Pénélope et François Fillon, respectivement Pierre Cornut-Gentille et Antonin Lévy, ont annoncé hier, lors d’une conférence d’une presse, qu’ils ont demandé au parquet national financier (PNF) de « se dessaisir » de l’ « enquête illégale » dont il s’est autosaisi, le 25 janvier, dès la parution du premier article dans le Canard Enchaîné.
« Droit dans ses bottes », lors de la parution du premier article dans le palmipède faisant état du poste « fictif » d’assistante parlementaire occupé par son épouse pendant de nombreuses années, M. Fillon avait tout aussitôt répliqué en annonçant qu’il faisait porter, le jour même ou le lendemain matin, par son avocat au PNF, tous les justificatifs concernant la réalité de l’emploi critiqué, qu’il et son épouse souhaitaient être entendus rapidement par les enquêteurs et qu’il renoncerait à se porter candidat à la fonction présidentielle si d’aventure il était mis en examen.
Moins de quinze jours plus tard, lundi dernier, il convoque tout le tribunal médiatique pour expliquer urbi et orbi que c’est de manière tout-à-fait « légale » que sa femme et ses deux enfants ont été ses assistants parlementaires et présente néanmoins des « excuses » aux Français qui « n’acceptent plus ce qu’ils acceptaient naguère ». Mardi, il écrit une Lettre aux Français. Hier, jeudi, ce sont les deux avocats du couple qui montent au créneau en organisant une conférence de presse assez technique pour dire tout le mal qu’il pense de l’enquête préliminaire enclenchée par le parquet financier sur le fondement d’une infraction qui, selon eux, ne peut être reprochée à leur client.
Me Lévy qui, à ce stade, n’a pas accès au dossier, croit en effet savoir que l’enquête aurait été ouverte sur le fondement de l’article 432-15 du code pénal qui vise « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission […] » et qu’en l’espèce, M. Fillon, en tant que député ou sénateur, n’est ni dépositaire de l’autorité publique ni chargé d’une mission de service public ni comptable public ni dépositaire public ni quoi que ce soit qui puisse relever de près ou de loin de l’infraction prévue et réprimée par ces dispositions qui ne lui sont pas applicables.
Or, l’enquête préliminaire, conduite par un ou plusieurs officiers de police judiciaire (OPJ) et codifiée à l’article 75 du code de procédure pénale, peut être ouverte d’office par un OPJ ou sur instructions du parquet dès lors qu’il y a « présomption de l’existence possible d’une infraction » sans, qu’à ce stade, un fondement juridique très précis ne soit nécessaire pour qualifier les « emplois fictifs » allégués, les opérations se déroulant, selon le second alinéa de l’article 75 précité, sous la surveillance du parquet général.
Ce sont les conclusions de cette enquête préliminaire qui permettront au parquet, le cas échéant, de classer sans suite, de confier le dossier à un juge d’instruction sur le fondement de l’article 432-15 (détournement de fonds publics par une des personnes visées) mais pas nécessairement, le code pénal ayant beaucoup de ressources, il peut être envisagé des poursuites sur le fondement de l’article 314-1 (abus de confiance) voire l’article 313-1 (escroquerie).
Bien évidemment, si, à l’issue de l’instruction, M. Fillon se trouvait renvoyé devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l’article 432-15, ses avocats auront alors tout loisir de développer que, certes, il y a éventuellement eu détournement de fonds publics mais un député ou un sénateur ne peut être poursuivi sur la base d’une telle infraction et ce sera la relaxe assurée.
La salve d’hier de Mes Lévy et Cornut-Gentille était donc aussi inutile que prématurée mais en toute hypothèse, quelle que soit l’issue des révélations du Canard Enchaîné, François Fillon restera marqué à tout jamais d’une marque indélébile d'indignité morale, beaucoup plus forte qu’une condamnation pénale, qui le prive du soutien d’une bonne partie des quatre millions de personnes qui ont fait le déplacement pour le second tour de la primaire de droite et du centre.