Périmètre du droit : Les prérogatives des avocats rognées par les professionnels du chiffre

Dans une résolution adoptée samedi dernier, le Conseil national des barreaux (CNB) condamne « l’atteinte d’une ampleur sans précédent au périmètre de l’exercice du droit » que constituent les articles 21 et 23 de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte, adoptée le même jour par l’Assemblée nationale et actuellement sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel, en permettant aux commissaires aux comptes de « fournir des services autres que la certification des comptes et d’établir des attestations » et « exige la modification de la loi sur ce point ».
L’article 23, s’il devait être validé par les Sages de la rue de Montpensier, crée en effet un article L. 820-1-1 dans le code de commerce qui dispose notamment que « […] Un commissaire aux comptes peut, en dehors ou dans le cadre d’une mission légale, fournir des services et des attestations, dans le respect des dispositions du présent code, de la règlementation européenne et des principes définis par le code de déontologie de la profession » alors que l’article 59 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ne permet aux « personnes [autres que les avocats, ndlr] exerçant une activité professionnelle réglementée » que de « donner des consultations juridiques relevant de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire direct de la prestation fournie ».
La protection du périmètre de l’exercice du droit constitue « l’un des piliers essentiels à l’exercice de la profession d’avocat », rappelle l’institution représentative des 66 000 avocats de France qui estime que cela assure au justiciable qu’il sera « assisté, représenté et conseillé par un professionnel exerçant le droit à titre principal et soumis à une déontologie rigoureuse et protectrice ».
Les dispositions nouvelles critiquées, qui permettent aux commissaires aux comptes de « fournir, y compris en dehors de toute mission légale d’audit, des services de nature juridique », tels que, par exemple, des prestations de conseil juridique et de rédaction d’actes ou de secrétariat juridique, qui leur sont actuellement interdits par l’article 10 de leur propre code de déontologie, sont, pour le CNB, une « régression » et représentent un « danger pour les entreprises ».
Mais la loi Pacte ne fait pas qu’ouvrir aux commissaires aux comptes le conseil juridique et la rédaction d’actes jusqu’à présent exclusivement réservés aux avocats à titre principal, le législateur leur a par ailleurs enlevé une part non négligeable de leur chiffre d’affaires en relevant les seuils de l’audit légal et ceci explique sans doute cela.