Politique : Des républicains de gauche contre « les républicains™ » de Sarkozy

Quatre associations et 143 républicains de gauche ont décidé de porter le débat sur le terrain judiciaire en saisissant le juge de l’urgence du tribunal de Paris contre l’idée « saugrenue » de l’ancien chef de l’État Nicolas Sarkozy de s’approprier à son seul profit le terme générique« républicain » pour rebaptiser une énième fois la formation politique qu’il préside depuis décembre dernier après la présidence volée désastreuse de Jean-François Copé alors que tous les Français sont républicains et qu’il y a donc autant de républicains à droite qu’à gauche.

Aux côtés du Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement et de deux associations politiques méconnues, la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR) et Génération république (GR), deux anciens ministres, Jean-Louis Bianco et Christian Sautter, un ancien ambassadeur, François Scheer, un médaillé de la Légion d’honneur, Rémi Dreyfus, une musicienne, Françoise Tillard, et une centaine d’illustres inconnus se revendiquant « républicains » ont saisi pas moins de quatre (jeunes) avocats parisiens différents, Mes Christophe Leguevaques, Mattthieu Boissavy, Joseph Breham et Vincent Fillola, sévissant dans trois petites structures récentes différentes pour dénoncer le « trouble civil, social et politique majeur en France, source de divisions entre les Français et d’atteintes au régime républicain constitutionnel » que constitue la décision de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) de changer sa dénomination en « les républicains™ », sous réserve, est-il difficilement concédé, d’un vote en ce sens de ses adhérents les 28 et 29 mai 2015.

Au terme d’une laborieuse assignation d’heure à heure fleuve de 71 pages à huit mains non exempte de moult scories, redites et approximations, qui annonce que « très prochainement, les requérants saisiront le tribunal […] au fond pour voir confirmer au fond l’interdiction qui doit être faite à l’UMP d’utiliser les termes seuls de "LES REPUBLICAINS" ou "REPUBLICAINS" et faire constater la nullité des marques déposées [par l’agence de publicité Aubert Storch Associés Partenaires, également attraite à l’instance, ndlr] » (p. 61, dernier §), il est demandé au juge des référés, vu l’urgence, au visa du premier alinéa de l’article 809 du code de procédure civile, « des mesures conservatoires pour prévenir un dommage imminent », après avoir constaté« un trouble manifestement illicite ».

En fait, l’article invoqué dispose que « le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite », il s’agit donc de prévenir un dommage imminent ou de faire faire cesser un trouble manifestement illicite mais, au cas particulier, il s’agirait, faut-il en déduire, d’un « dommage imminent réalisé ».

La longueur de l’assignation nous gratifie d’un plan-sommaire en page 10 avec un premier titre rappelant les faits et la procédure et un second révélant le droit. Le titre premier consacre un premier chapitre à « la décision de l’UMP de changer de nom pour s’appeler "les républicains" et de faire déposer secrètement pour son compte ces mots à titre de marques du commerce par un tiers », le second évoque les principales critiques émises dans la presse contre le nom « les républicains » par diverses personnalités faisant peu ou prou autorité en la « matière ».

Dans le second titre consacré au droit, un premier chapitre aborde la recevabilité et un second se focalise sur les conditions d’application de l’article 809 alinéa premier du code de procédure civile avant un dernier et troisième chapitre intitulé « en tout état de cause ».

Passons la recevabilité et attardons-nous brièvement sur le constat de l’urgence qui fait l’objet de la section 1 du chapitre II et qui vaut son pesant de cacahuètes. L’urgence, peut-on lire, « s’impose comme une évidence et il ne sera pas difficile de l’établir. En effet, le bureau national de l’UMP a décidé de soumettre au vote des militants le changement de nom, l’adoption d’une nouvelle charte graphique, une modification des statuts […] pour dans moins de quinze jours, les jeudi 28 et vendredi 29 mai 2015. Si les militants UMP adoptent le nouveau nom proposé par leur président, cela aura des conséquences dommageables durables et disproportionnées contre les libertés publiques, la liberté d’expression et la loyauté dans le débat politique entre les partis politiques en France. Compte tenu de la proximité temporelle et de la gravité de l’atteinte aux intérêts fondamentaux des citoyens et au débat public dans une société démocratique, l’urgence est caractérisée » (p. 33).

Nous sommes donc dans l’hypothèse d’un éventuel dommage potentiel imminent avec la possibilité supplémentaire d’un trouble illicite matériellement irréversible ce qui, en toute logique, amène les auteurs à évoquer longuement l’ « existence de troubles manifestement illicites » sur 29 pages (section 2) et, plus brièvement, une page, les moyens de « prévenir un dommage imminent »(section 3).

Au titre du trouble manifestement illicite, on apprend ainsi que l’associationGénération république aurait fait déposer « par l’un de ses membres, pour son compte, l’adresse url : www.republicains.net » et revendique donc « l’usage de ce terme » qui est « très largement antérieur au choix de la dénomination sociale "les républicains" par l’UMP » (p. 45 §2 et 3). Une vérification rapide permet de constater que c’est l’url www.republicain.net qui est indisponible mais le nom de domaine www.republicains.net est à vendre pour 1 500 euros, outre toutes les déclinaisons en .fr, .org, .cul... Autre approximation mineure malheureuse relevée, des condamnations sollicitées « solidairement » dans les motifs et « in solidum » dans le dispositif.

Certes, il aurait mieux valu qu'il y accole un adjectif mais ça reste néanmoins beaucoup de bruit pour pas grand-chose en somme car quand bien même les adhérents de l’UMP adopteraient-ils le nouveau nom proposé par leur président, au même titre qu’on ne confond pas le quotidien le Monde avec Le Monde même s'il se prend parfois, souvent, pour le nombril de la terre, on ne risquera pas, non plus, de confondre les Républicains™ [de Sarkozy] avec Les Républicains.

Le juge des référés a refusé mardi 26 mai de se prononcer en urgence sur la demande d'interdiction d'utilisation du nom « les républicains », estimant, comme cela était prévisible, que le « trouble manifestement illicite » et le« dommage imminent » invoqués n'étaient pas démontrés. Pour le reste, il a estimé que la procédure relevait du fond. Quelques heures plus tôt, le tribunal avait rejeté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de l'UMP qui estimait que cette action en justice, visant à empêcher son changement de nom, violait la Constitution.