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Présidentielle 2017 : François Fillon met tout sur table pour essayer de rebondir

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
François Fillon, 6 février 2016. Capture d'écran Jon Helland/LexTimes. François Fillon, 6 février 2016. Capture d'écran Jon Helland/LexTimes.

Après dix jours de tourmente médiatique, François Fillon a convié toute la presse nationale et internationale pour s’expliquer sur des pratiques qu’il juge « légales et transparentes » mais qui ne sont plus « acceptées » par les Français et s’en est « excusé » sans néanmoins aller jusqu’à proposer de restituer les sommes perçues par son épouse et ses deux enfants qu’il considère être « la juste contrepartie d’un travail » dont il est le seul juge et maître pour en apprécier la réalité et l’effectivité.

« Je ne peux pas accepter les accusations infondées qui me prennent pour cible après 32 ans de vie politique, 32 ans sans aucun problème d’ordre judiciaire, 32 ans d’éthique irréprochable », a d’emblée déclaré le candidat LR à la présidentielle qui a eu ainsi l’occasion de mettre sa vérité sur la table pour que les Français puissent juger par eux-mêmes de la modicité du salaire mensuel net perçu par sa femme-collaboratrice qui « n’a jamais été sa subordonnée » : « J’ai employé mon épouse comme collaboratrice. Elle a ensuite été la collaboratrice de mon suppléant. Elle est encore redevenue ma collaboratrice par la suite […] pendant quinze ans […] pour un montant moyen de rémunération nette de 3 677 euros nets ».

Selon un petit tableau mis en ligne sur son site, M. Fillon révèle, de manière précise, qu’il a salarié son épouse à concurrence de seulement 1 409,16 euros nets pour le mois d’avril 1986, 1 401,29 euros nets par mois pour la période du 1er juillet 1986 au 31 mai 1988, 1 375,90 euros du 6 juin 1988 au 31 décembre 1990, 3 248,75 euros du 1er avril 1998 au 30 juin 2002 et 3 872,91 euros du 1er juillet 2012 au 30 novembre 2013, outre 6 009,07 euros nets par mois à charge de son suppléant, Marc Joulaud, pour la période du 13 juillet 2002 au 31 août 2007. Selon les propres calculs de M. Fillon, cela fait 680 380,75 euros nets d’argent public pour 185 mois (15 ans et 5 mois), soit un salaire net moyen de 3 677,73 euros pendant toute la période considérée.

Pénélope Fillon a coûté 1,3 M€ en y incluant les charges patronales

S’il ne peut être contesté que Pénélope Fillon n’a perçu « que » 680 380,78 euros pendant ces quinze années s’étalant d’avril 1986 à novembre 2013 pour des fonctions dont la réalité reste à démontrer, la somme totale prise dans la poche des contribuables pour le règlement de ces « salaires » supposés, en l’état, pour un travail non fictif est toutefois égale non au net de 680 380,78 euros ni au brut d’environ 870 000 euros mais au brut majoré des charges patronales qui doit être d’environ 1,3 million d’euros et c’est ce dernier montant qui sera retenu par la justice si elle est amenée à s’estimer compétente pour évoquer l’affaire et si le délit présumé est pénalement constitué à l’encontre de la PME Fillon.

M. Fillon reconnaît avoir également salarié ses deux enfants, Marie et Charles, du 1er octobre 2005 au 31 décembre 2006 (15 mois) pour la première et du 1er janvier au 30 juin 2007 (6 mois) pour le second, comme « collaborateurs parlementaires, pour un salaire mensuel net de 3 000 euros en moyenne pour chacun ». Le système médiatique n’a pas à le juger, estime M. Fillon mais il admet que « collaborer avec sa famille en politique est une pratique désormais rejetée par les Français ».

« Ce qui était acceptable hier, poursuit-il, à défaut d’être accepté, ne l’est plus aujourd’hui. En travaillant avec ma femme et mes enfants, j’ai privilégié cette collaboration de confiance qui aujourd’hui suscite la défiance. C’était une erreur. Je le regrette profondément et je présente mes excuses aux Français. Comme beaucoup d’autres parlementaires, j’ai agi selon un usage, certes légal, mais dont il est clair que nos concitoyens ne veulent plus ». Ce qui est affligeant c’est que le mensonge perdure et continue.

Marie Fillon a été l’assistante de son père pendant sa formation à l’EFB

Sur interpellation, M. Fillon a en effet précisé que sa fille Marie l’aurait aidé, pendant la période litigieuse du 1er octobre 2005 au 31 décembre 2006, à constituer la base documentaire pour la rédaction de son ouvrage La France peut supporter la vérité (Albin Michel, oct. 2006, 18,25 €) et son fils Charles pour celle d’un chapitre du programme du candidat Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2007.

Outre le fait mis à part que le travail d’un assistant parlementaire puisse consister à faire des recherches pour écrire un livre ou un chapitre de programme de compagne, le travail allégué de recherche de Marie Fillon, 23 ou 24 ans à l’époque, à 3 000 euros nets par mois, avocate inscrite au barreau de Paris en 2007, se situe précisément pendant la période où elle était censée suivre sa formation obligatoire à l’École de formation du barreau de Paris (EFB) qu’elle ne pouvait certainement pas cumuler avec un emploi à plein temps grassement rémunéré. Quant aux recherches documentaires de Charles Fillon entre janvier 2007 et juin 2007 pour écrire un chapitre du programme d’un candidat à l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai 2007 ne peuvent que laisser perplexe.

Les époux Fillon ont un patrimoine inférieur à 1,3 million d’euros

Je ne suis pas assujetti à l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), a révélé M. Fillon. Son patrimoine se résume, a-t-il expliqué, à sa maison-château évaluée à 750 000 euros, 44 % de la nue-propriété de la maison de son père au Pays Basque (134 000 euros) et un tiers de la nue-propriété de celle de la Sarthe (41 300 euros), outre quelques babioles et une quinzaine de comptes courant, de placement et d’épargne.

On en a presque la larme à l’œil, malgré des revenus conséquents au cours des cinq dernières années (185 255 euros en 2012, 559 784 euros en 2013, 247 151 euros en 2014, 343 656 euros en 2015 et 275 000 euros en 2016), à l’instar d’Emmanuel Macron, le patrimoine total des époux Fillon, selon la déclaration mise en ligne hier et communiqué à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) le 16 décembre 2016, n’est que de 1 045 264 euros après déduction d’un reliquat à rembourser de 35 857 euros sur un emprunt de 50 000 euros contracté en octobre 2014 pour effectuer de menus travaux dans leur demeure et le patrimoine effectivement taxable — après minoration de 30 % sur la valeur déclarée de la maison-château estimée à 750 000 euros — n’est que de 820 294 euros. Une misère !

Dans le détail, le château, qualifié modestement de « maison individuelle », est évalué à la somme de 750 000 euros. Acquis en 1993 pour 400 000 euros, il a nécessité des travaux à concurrence de 300 000 euros au cours des vingt-cinq dernières années et se déploie sur 3 162 m² au milieu d’une forêt de 12 hectares mais la surface réellement habitable ne serait que de 1 107 m², il y a des dépendances pour 1 062 m² ainsi qu’une fermette « inhabitable » de 993 m². L’estimation de la demeure familiale, à 237 euros le mètre carré, paraît toutefois extrêmement faible et pourrait en réalité valoir le double ou le triple.

M. Fillon possède également deux montres, dont la marque n’est pas précisée, valorisée l’une 15 000 euros et l’autre 12 000 euros. Il possède également deux voitures, une Toyota acquise en 2001 pour 22 000 euros est valorisée 5 000 euros et une Peugeot de 1998 acquise pour 5 000 euros est estimée à 3 000 euros.

2F Conseil ne travaille pas pour les Russes

Le candidat de la droite et du centre à la présidentielle 2017 a également levé un voile sur sa société, 2F Conseil, créée au lendemain de son départ de Matignon en 2012 et qui compte parmi ses prestigieux clients Axa, Fimalac et Oddo. Il dit avoir aussi fait partie du conseil de surveillance du cabinet Ricol et Lasteyrie avant d’y exercer en tant que « senior adviser » mais il réfute formellement avoir des liens avec une quelconque entreprise russe, le gouvernement russe ou un organisme de ce pays, précisant que toutes les conférences qu’il a données en Russie l’ont été « à titre gratuit ».

C’est le propriétaire de Fimalac, Marc Ladreit de Lacharrière, qui a fourni à Pénélope Fillon son emploi de conseillère littéraire à 5 000 euros bruts par mois, du 1er mai 2012 au 31 décembre 2013, à la Revue des Deux Mondes qu’elle a cumulé avec son poste d’assistante parlementaire de son mari.

La justice est lente et ce sera effectivement aux Français de juger dès les 23 avril et 7 mai 2017 ces mensonges et demi-vérités.

 

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