Présidentielle 2017 : Le débat Macron - Le Pen de l’entre-deux-tours

Débat Macron - Le Pen, 3 mai 2017.
Débat Macron - Le Pen, 3 mai 2017.

En 2002, Jacques Chirac avait carrément refusé de débattre avec son adversaire frontiste Jean-Marie Le Pen qui était parvenu, pour la première fois de l’histoire de la Ve République, au second tour de l’élection présidentielle en éliminant le candidat socialiste Lionel Jospin et la France — meurtrie au plus profond d’elle-même mais unie — s’en était si émue qu’elle avait battu le pavé à l’unisson pour appeler à voter pour le candidat républicain Chirac et contre l’adversaire xénophobe Le Pen.

Quinze ans plus tard, la situation a bien changé ou, plus exactement, c’est parce que la situation des miséreux et des « sans-dents » n’a guère changé au cours des dernières décennies que le candidat républicain Emmanuel Macron ne fait plus l’unanimité parmi tous les républicains des deux bords dont certains ne le soutiennent que du bout des lèvres ou pas du tout et que le même discours xénophobe de la candidate frontiste Marine Le Pen ne produit plus les mêmes effets et semble s’être entre-temps parfaitement banalisé et est même parvenu à se rendre audible et acceptable par environ un Français sur cinq au premier tour de cette élection présidentielle 2017, une lepénisation en douceur mais en profondeur de toutes les catégories rurales défavorisées.

Car, doucement, méthodiquement, par petites touches, après avoir « tué » ou feint de tuer le père politiquement en l’excluant du parti qu’il avait pourtant fondé et dont il reste le « président d’honneur », l’héritière du clan ou de la PME Le Pen est parvenue, elle, en quelques années, à lepéniser la France en se ceignant d’une minuscule couche de vernis qui donnait l’illusion d’une quasi respectabilité et qui lui a ouvert — les astres, les faits, la conjoncture et les déboires des deux partis de gouvernement aidant — les portes du second tour et du mythique débat décisif de l’entre-deux-tours, poussant l’avantage jusqu’à s’offrir le luxe de récuser les journalistes pressentis, Gilles Bouleau et David Pujadas, et d’imposer ceux qui ont été autorisés à l’interpeller, Nathalie Saint-Cricq et Christophe Jakubyszyn.

Peine perdue ! Chassez le naturel, il revient au galop, dit-on à juste titre. Il n’a guère fallu plus de quelques minutes pour que la candidate frontiste se mélangeât les pinceaux en confondant l’opérateur SFR du groupe Vivendi racheté par Altice pour le fusionner avec Numéricâble et la cession de la branche "Energie" d’Alstom à l’américain General Electric, démontrant ainsi sa méconnaissance et son ignorance des dossiers économiques. Deux opérations qui ont été, toutes deux, réalisées sous le joug du prédécesseur d’Emmanuel Macron au ministère de l’économie, Arnaud Montebourg, au cours du premier semestre 2014 avant d’être approuvées par l’Autorité de la concurrence pour la première et par la majorité des pays où les deux sociétés exercent pour la seconde.

« Vous dites des bêtises, madame Le Pen », « Vous dites des grandes bêtises, madame Le Pen », « Vous dites des mensonges, madame Le Pen »,… a eu l’occasion de dire, à plusieurs reprises, le candidat d’En Marche ! à la candidate du Front national qui a multiplié les invectives et les approximations pour dissimuler les incohérences de son programme qui ne comporte plus ni une sortie de l’euro qu’elle garderait « en tant que monnaie commune en même temps qu’une monnaie nationale appelée à fluctuer pour rendre plus compétitives les entreprises françaises » ni une retraite à 60 ans qui est renvoyée aux calendes grecques depuis le ralliement de l’ancien « gaulliste » xénophobe Nicolas Dupont-Aignan de Debout la France à son entreprise funeste.

Donné autour de 60/40 par la plupart des sondages depuis dix jours, ce débat qui n’a pas été à la hauteur des enjeux a néanmoins permis de mettre en évidence la stature présidentielle d’Emmanuel Macron et la vulgarité outrancière de l’héritière lepéniste dont la fine couche de vernis s’est très vite craquelée et devrait ainsi concourir à maintenir le score du camp du « repli sur soi » nettement sous la barre des 40 %… pour cette fois-ci.

Le seul à avoir très mal dormi et s’être réveillé avec la gueule de bois doit sans doute être Nicolas Dupont-Aignan qui misait beaucoup sur le potentiel de Marine Le Pen à lepéniser davantage et risque de se retrouver orphelin après les législatives. Ce débat devrait par ailleurs faire la joie de tous les humoristes d’ici et d’ailleurs tant il était caricatural de tout ce qu’il n’aurait pas dû être.