Présidentielle 2017 : Les réponses des candidats au CNB

Le Conseil national des barreaux (CNB) a publié une synthèse des réponses de six candidats, les cinq « grands » et Nicolas Dupont-Aignan, à l’élection présidentielle à ses 17 propositions articulées autour de quatre thématiques (justice, économie et finances, exercice professionnel et droits fondamentaux). Bref condensé de la synthèse.
Le budget de la justice figure parmi les plus faibles de l’Union européenne (UE) et le CNB souhaiterait une loi d’orientation et de la programmation qui définirait pour le quinquennat 2017/2022 des engagements et des priorités ainsi qu’un financement budgétaire pluriannuel.
Tous les six candidats s’accordent pour reconnaître la faiblesse des moyens de la justice. François Fillon propose la création de 300 postes et une augmentation du budget d’1,5 milliard d’euros sur les cinq ans à venir, Jean-Luc Mélenchon promet une « augmentation de moitié des effectifs des services judiciaires » (18 000) et une enveloppe supplémentaire de 2,5 milliards d’euros qui pourrait même être de 5 milliards en cas d’élection de Nicolas Dupont-Aignan et avec, à la clé, 40 000 places de prison en plus.
L’aide juridictionnelle ne nourrit pas son avocat et le CNB suggère la systématisation d’une consultation rémunérée préalable à toute action judiciaire et la recherche de ressources complémentaires par la taxation de tous les actes juridiques.
La partie perdante de tout procès civil devra régler une taxe affectée à l’aide juridictionnelle, suggère Fillon, assurance de protection juridique « obligatoire » et mise en place d’un service d’AJ constitué d’avocats juniors et expérimentés salariés ou libéraux pour Macron. Mélenchon promet, lui, une revalorisation immédiate de l’AJ financée par l’État.
Les actions de groupe (seulement 9 actions ont été initiées en 15 mois) sont actuellement « filtrées » par les associations et le CNB propose de pouvoir agir en d’ « inaction » de leur part.
Elle doit pouvoir être engagée directement par l’avocat si l’association refuse ou ne peut agir (Le Pen, Dupont-Aignan, Fillon) voire également par tout syndicat ou groupement « ad hoc » et fonctionner sur l’opt-out (Mélenchon) mais il est trop tôt, pas encore assez de recul (Macron, Hamon).
Le délai de traitement des procédures par les juridictions est trop long, il est en moyenne de 10 mois devant les TGI, plus de 16 mois devant les prud’hommes, 12 mois devant les chambres correctionnelles, 39 mois devant les cours d’assises et 13 mois devant les cours d’appel. Le CNB suggère notamment de simplifier et d’unifier les modes de saisine et les modes de recours ainsi qu’une généralisation de la communication électronique.
Saisine via un portail internet unique en matière civile (Le Pen, Mélenchon, Dupont-Aignan, Hamon, Fillon), y compris en matière pénale pour Macron, de l’enquête préliminaire au pourvoi en cassation.
Les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) qui restent à développer.
Conciliation, médiation et arbitrage doivent être limités à certaines matières uniquement pour Mélenchon qui veut éviter « la privatisation du service public de la justice » et protéger les plus faibles. Ne doit pas être vécu comme une privation de l’accès au juge (Hamon), généralisation de la conciliation et déjudiciarisation des contentieux sociétaux (Fillon), force exécutoire aux accords passés via les avocats, huissiers ou notaires (Macron). Marine Le Pen est opposée aux MARD et plaide pour leur développement devant… un magistrat.
La carte judiciaire
Pas de nouvelle réforme globale (Dupont-Aignan, Hamon, Le Pen), un tribunal de grande instance par département et un regroupement des cours d’appel (Fillon), création d’un tribunal de première instance dans chaque département regroupant tous les tribunaux spécialisés de première instance avec accueil sur tous les anciens sites fusionnés et modification du ressort des cours d’appel pour qu’elles ne soient pas « à cheval » sur deux régions (Macron), Jean-Luc Mélenchon dit être pour une « révision de la carte judiciaire à partir d’une analyse approfondie des besoins, des populations et des territoires ».
L’accès à la justice facilité pour les personnes physiques, selon le CNB, par un crédit d’impôt égal au montant de la TVA acquittée
Défavorable (Hamon), favorable après audit (Fillon), pas pertinent et infaisable compte tenu du droit communautaire (Macron), plutôt revoir l’accès à l’AJ (Macron, Le Pen), exonéré de TVA pour les différends non professionnels (Dupont-Aignan), rémunération par l’État des avocats officiant bénévolement dans des structures publiques (Mélenchon)
Une réduction des charges pour les professionnels libéraux pour embaucher
Réduction des charges sociales pour toutes les entreprises de 30 % (Dupont-Aignan) voire massivement (Fillon, Macron) ainsi qu’une baisse l’impôt sur les sociétés (IS) à 25 % (Fillon). Baisses centrées sur les indépendants et les TPE/PME (Le Pen). Statut unique pour tous les actifs, qu’ils soient salariés ou indépendants (Hamon).
La réforme du RSI (régime social des indépendants) dont presque tout le monde se plaint
Suppression et rattachement au régime général sans modification des droits et règles actuels (Macron, Hamon, Dupont-Aignan), liberté de s’affilier au régime général plutôt qu’au RSI (Mélenchon, Le Pen), Fillon veut le transformer en une Caisse de protection des indépendants (CPI) à qui serait aussi adossé un régime facultatif d’assurance chômage pour les indépendants.
L’acte d’avocat, une variété particulière d’acte sous signature privée doté d’une force probante accrue dont le CNB demande que la conservation puisse se faire numériquement, avec date certaine et force exécutoire
Doit faire l’objet de discussions (Fillon), oui quant à la numérisation et la date certaine (Macron, Le Pen, Hamon, Dupont-Aignan) voire même la force exécutoire (Le Pen)
Un secret professionnel plus absolu
Favorable (Macron, Le Pen, Dupont-Aignan, Fillon), certaines limites et aménagements sont parfois nécessaires en cas « d’impératifs d’ordre public », par exemple, lutte contre blanchiment d’argent et terrorisme (Hamon, Mélenchon)
Une formation initiale identique pour tous les professionnels du droit et plus de passerelles, notamment entre l’avocature et la magistrature
Favorable (Le Pen, Dupont-Aignan, Fillon, Macron), défavorable à une formation commune et il existe déjà de nombreuses passerelles (Hamon)
Le numérique au service du droit (LegalTech) doit être, interroge le CNB, maîtrisé par un renforcement ou un allègement de la réglementation
Une concertation (Fillon, Dupont-Aignan), une conférence (Mélenchon) ou un audit (Le Pen) sont nécessaires, faut les encadrer pour éviter une concurrence déloyale (Hamon) mais le mouvement est irréversible (Macron).
La Cour européenne des droits de l’homme est critiquée par certains suite à ses arrêts sur la gestation pour autrui et l’euthanasie
Il est hors de question de la quitter (Macron, Mélenchon, Hamon), je refuse son autorité et la suprématie du droit de l’Union européenne (Le Pen), il y a débat, faudrait peut-être renégocier cette Convention sur certains points (Fillon, Dupont-Aignan).
L’état d’urgence, mis en place après les attentats du 13 novembre 2015 et prévu pour durer jusqu’au 15 juillet 2017, n’a pas vocation à être prorogé indéfiniment
Ce n’est qu’un vaste plan de communication gouvernementale, ce n’est pas nécessaire (Le Pen), il doit s’agir d’une mesure exceptionnelle (Mélenchon), faut faire un diagnostic (Hamon, Fillon, Macron), doit être maintenu tant que la menace existe (Dupont-Aignan).
La constitutionnalisation du droit à l’assistance d’un avocat
Droit déjà garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui, dans la hiérarchie des normes, est supérieure à la Constitution (Hamon), jurisprudence du Conseil constitutionnel en fait déjà un droit à valeur constitutionnelle (Dupont-Aignan), réservé sur une modification de la Constitution sur ce point (Fillon, Macron), inutile car ce droit est un marqueur constitutif de l’État de droit (Le Pen), trouvera sa place dans la Constitution de la 6e République (Mélenchon).
L’égalité entre les hommes et les femmes
Les six candidats débordent d’imagination pour une plus grande égalité hommes femmes, y compris par de la discrimination positive. Ainsi en va-t-il de Nicolas Dupont-Aignan qui propose un « allègement de cotisations pour les entreprises respectant l’égalité salariale » ou, pour François Fillon, un accès prioritaire aux crèches et logements pour les « mères isolées [avec] enfants [pour leur permettre de poursuivre] une carrière professionnelle dans des conditions matérielles décentes », sans compter une promesse de gouvernement paritaire (Macron, Fillon) ainsi qu’aux élections législatives (Macron). Jean-Luc Mélenchon promet qu’il créera un pôle judiciaire de lutte contre les discriminations par cour d’appel comprenant notamment des fonctionnaires de police qui pourront se livrer à des opérations de « testing ».