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Presse : L'auto-promotion du livre de deux journalistes du Monde

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
De g. à dr., Fabrice Lhomme, Jean-Pierre Jouyet, François Fillon et Gérard Davet. Photomontage. De g. à dr., Fabrice Lhomme, Jean-Pierre Jouyet, François Fillon et Gérard Davet. Photomontage.

Le monde, a-t-on coutume de déplorer, n’est plus ce qu’il était ; le Monde, qui ambitionne de détrôner Paris-Match en matière de « choc » des mots et de « poids » des photos, non plus. « Fillon a sollicité l’Élysée pour accélérer les poursuites judiciaires contre Sarkozy », titre le quotidien du soir à la Une et sur cinq colonnes de son édition d’hier datée d’aujourd’hui et de demain pour la promotion du livre de deux de ses collaborateurs.

Prétexte pris du démenti des deux principaux intéressés, François Fillon et Jean-Pierre Jouyet, l’article publicitaire, sous la propre signature des deux auteurs du livre (Sarko s’est tuer, éd. Stock, 312 p. 19 €), Gérard Davet,« grand reporter », 48 ans, et Fabrice Lhomme, « journaliste d’investigation », 49 ans, livre à l’instar de l’homme qui a vu le cheval qui a vu l’ours les meilleures feuilles de leur dernier ouvrage contre l’ancien chef de l’État qui avait déjà eu l’honneur, en septembre 2011, par les deux mêmes compères, d’un « Sarko m’a tuer » (éd. Stock, 360 p. 19 €) où il était déjà question de confidences... de l'ex-infirmière de la milliardaire Liliane Bettencourt à la greffière de la juge Isabelle Prévost-Desprez concernant des remises d'espèces à Sarkozy qui n’avaient toutefois pas été actées sur procès-verbal.

Les deux journalistes-enquêteurs du Monde récidivent contre leur tête de turc et affirment par ailleurs avoir recueillis les propos de M. Jouyet — actuel secrétaire général de l’Élysée et ancien secrétaire d’État chargé des affaires européennes (2007-2008) dans le premier gouvernement Fillon, président de l'Autorité des marchés financiers (2008-2012), directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et président de la banque publique d'investissement (2012-2014) —, qu’ils disent avoir enregistrés, tenus « le samedi 20 septembre [2014] en fin de matinée, dans un petit salon de l’Élysée » à propos d’un repas organisé, le 24 juin 2014, par l’avocat Antoine Gosset-Grainville, un ancien directeur adjoint du cabinet de M. Fillon à Matignon (2007-2010), entre son ancien patron et M. Jouyet au cours duquel le premier aurait demandé au second de « peser sur le cours judiciaire des affaires visant son rival, Nicolas Sarkozy ».

Au cours de cet entretien « enregistré », à l’insu ou avec le consentement de M. Jouyet, les deux tortionnaires seraient parvenus à faire avouer à leur victime« son déjeuner avec Fillon le 24 juin [avec qui il a] de bonnes relations [mais] surtout [qu’il a] travaillé très étroitement avec Gosset-Grainville, qui est un ami proche ». Ce déjeuner a eu lieu dans un restaurant du 8e arrondissement de Paris car François Hollande a donné sa bénédiction mais s’est opposé à ce qu’il ait lieu à l’Élysée.

Selon les propos que Davet et Lhomme disent avoir recueillis le 20 septembre, M. Jouyet révèle que lors du déjeuner qu’il a eu avec François Fillon le 24 juin, là où ce dernier a été « le plus dur, vraiment le plus dur, c’est sur le remboursement que Sarkozy avait demandé des pénalités pour le dépassement des frais de campagne [qui constitue] un abus de bien social […] une faute personnelle. Il n’y avait rien à demander à l’UMP de payer tout ça ». Et M. Jouyet de rapporter le 20 septembre 2014 aux deux journalistes qu’il avait demandé à Fillon le 24 juin 2014 : « Vous pensez que c’est partagé par Raffarin et Juppé ? » et Fillon lui a répondu : « Bien sûr, Juppé le sait, Raffarin le sait ». Et ainsi de suite jusqu’à un vibrant « Agissez, agissez […] taper vite » mis en avant par le quotidien en corps 16, à quoi François Hollande s’est toutefois refusé par un « Non, non, on ne s’en occupe pas ».

Qu’il y ait un enregistrement de l’entretien du 20 septembre à l’Élysée, peut-être, sans doute. Mais à supposer que cet enregistrement existe, cela ne prouve pas l’existence du déjeuner qui aurait eu lieu le 24 juin et surtout cela ne prouve pas les propos prêtés à François Fillon par les deux apprentis-journalistes quasi quinquagénaires en mal de publicité. Cela prouve, tout au plus, l’éventualité d’un complot fourbi par l’Élysée dans le cadre de la bataille pour la présidentielle de 2017 dans lequel seraient mêlés le chef de l’État et son secrétaire général.

En tout cas, c’est la thèse du complot qui est retenue par François Fillon qui a immédiatement annoncé une plainte en diffamation contre les deux journalistes qui auront beaucoup de mal à se retrancher derrière les propos recueillis enregistrés de M. Jouyet pour faire l’économie d’une condamnation qui devrait être à la hauteur de leur expérience présumée.

 

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