Professions réglementées : Les retouches apportées par le Conseil d’État au projet Macron

Le Conseil d’État a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi pour la croissance et l’activité porté par le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, sous réserve de quelques modifications qui « s’expliquent d’elles-mêmes »ainsi que quelques observations et disjonctions.
Liminairement, les conseillers d’État déplorent, dans cet avis
Liberté modérée d’installation des notaires, huissiers et commissaires-priseurs
Pour les rendre conformes aux exigences combinées de l’égalité devant les charges publiques (art. 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) et de la garantie des droits (art. 16, ibid.), le Conseil d’État explique avoir réaménagé les articles 3 à 6 du projet relatifs à la liberté d’installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires dans la mesure où si, pour un motif d’intérêt général, il n’est pas interdit de faire supporter à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter « de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques »
Or, en prévoyant que « toute personne répondant à des conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance est titularisée dans le lieu d’établissement de son choix », le projet — même s’il poursuit un objectif d’intérêt général en voulant susciter une offre plus dense, plus diversifiée et plus ouverte — porte aux professionnels existants, à défaut de progressivité suffisante ou en l’absence d’un dédommagement adéquat, un préjudice « trop grave pour ne pas méconnaître les exigences constitutionnelles ».
La valeur patrimoniale des offices existants serait en effet substantiellement réduite, relève le Conseil d’État qui juge nettement insuffisantes les mesures prévues qui ont un caractère « restrictif » et « imprécis » pour prévenir « une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques aux dépens des titulaires des offices actuels ». Les conseillers amendent le projet sur ce projet et déplace le mécanisme d’indemnisation de l’Autorité de la concurrence vers le juge. Le numerus clausus serait certes abrogé mais l’augmentation du nombre d’offices ne serait que très progressive selon les besoins à niveau local pour éviter d’avoir à indemniser les offices existants que ce soit par l’État ou les professionnels nouvellement installés.
De même, mutatis mutandis, pour les greffiers des tribunaux de commerce à qui le projet de loi avait prévu d’imposer de céder leurs offices au lauréat d’un concours à mettre en place « sans liberté de choix de son successeur » et sans que les conditions financières d’une telle cession ne soient précisées.
Une profession de l’exécution sans les mandataires judiciaires
Le Conseil d’État ne souscrit pas au vœu du gouvernement d’inclure les mandataires judiciaires dans une nouvelle et grande profession de l’exécution et s’en explique. Les trois professions concernées présentent des différences statutaires sensibles tant en droit interne (qualité d’officier public et ministériel des huissiers et commissaires-priseurs que ne possèdent pas les mandataires judiciaires) qu’en droit de l’Union (les officiers publics et ministériels sont exceptés de la liberté d’établissement) et, en outre, les mandataires judiciaires n’ont pas de clientèle et ne procèdent pas à des mesures d’exécution forcée mais à la mise en œuvre d’actes nécessaires au bon déroulement d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, à charge d’en rendre compte à la juridiction qui les a désignés.
L’intégration des mandataires judiciaires dans une profession multifonctionnelle de commissaire de justice méconnaîtrait par ailleurs, selon les conseillers du Palais-Royal, les exigences d’indépendance et de rappeler que la suppression en 1985 de la profession de syndic et la répartition de ses missions en deux professions distinctes avait précisément pour but de prévenir tout conflit d’intérêts en établissant une incompatibilité de la profession de mandataire judiciaire avec toute autre profession.
Dispositions disjointes
Des nombreuses dispositions n’ont pas leur place dans ce projet de loi, estime le Conseil d’État, pour des raisons diverses et variées. Il en va ainsi de l’article 8 relatif à la délégation par convention de la gestion matérielle du registre du commerce et des sociétés aux chambres de commerce et d’industrie dans les départements d’outre-mer ou à la chambre consulaire interprofessionnelle à Saint-Martin ou à la chambre économique multiprofessionnelle à Saint-Barthélemy lorsque le fonctionnement normal des registres est compromis, des articles 34 à 37 relatifs à l’épargne salariale et de l’article 87 relatif à l’élaboration par le Conseil supérieur de la prud’homie des obligations déontologiques des conseillers prud’hommes.