Projet de loi Justice : Le CNB demande l’arrêt du processus parlementaire

Passe d’armes inédite entre les deux rapporteurs à l’Assemblée nationale du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, Laëtitia Avia et Didier Paris, et les trois plus hauts représentants de la profession, la présidente du Conseil national des barreau (CNB) Christiane Féral-Schuhl, la bâtonnière de Paris Marie-Aimée Peyron et le président de la Conférence des bâtonniers Jérôme Gavaudan.
Rapporteurs du #PJLJustice, @LaetitiaAvia et moi avons adressé une #LettreOuverte aux représentants de la profession des #avocats au sujet de l’évolution regrettable des actions de mobilisation. pic.twitter.com/yXj3qBvhrE
— Didier Paris (@_DidierParis) December 14, 2018
Dans une lettre ouverte diffusée vendredi dernier sur leur compte twitter, les deux parlementaires dénonçaient une « évolution regrettable » dans les « actions de mobilisation » menées dernièrement par les avocats et leurs bâtonniers en diffusant des « informations erronées et trompeuses sur le contenu du projet de loi », des « attaques personnelles contre les parlementaires ayant exercé la profession d’avocat » qui vont à l’encontre « des principes et règles déontologiques » et l’ « allégation d’une absence de concertation » malgré les « nombreux échanges intervenus depuis un an avec la chancellerie [et] les parlementaires ».
« Des barreaux ayant envoyé des sommations interpellatives par voie d’huissier à des députés » pour « faire pression », selon Laëtitia Avia, 33 ans, et Didier Paris, 64 ans, avocat et magistrat/cadre supérieur respectivement, qui estimaient le procédé comme « inacceptable et indigne du débat démocratique » et demandaient « après réception [de leur lettre ouverte] », une condamnation « ferme [de] ces méthodes » et un « attachement au respect [des] institutions », tout en se disant disponibles « pour échanger sereinement sur les dispositions » du projet de loi.
Le retour de bâton ne s’est pas fait attendre contre la jeune avocate devenue députée dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron. « Votre interpellation confirme que la fébrilité, le déni de la contradiction et la défiance envers les corps intermédiaires prévalent désormais dans les débats qui secouent le parlement sur le projet de loi de programmation pour la justice. Votre lettre […] révèle […] que les conditions d’un débat serein et responsable ne sont plus réunies ni garanties par votre majorité parlementaire », écrit dans une lettre ouverte diffusée ce matin le trio Féral-Schuhul–Pyeron–Gavaudan qui dit préférer s’en remettre à la « proposition formulée par […] le président de la République de participer à un "débat sans précédent pour construire un nouveau contrat avec la Nation" » et lui demande « officiellement […] d’arrêter le processus parlementaire concernant la loi de programmation pour la justice afin de laisser les Français débattre de l’avenir de leur justice, come de celui des autres services publics ».
« Le 10 décembre, vous avez proposé aux français un "nouveau contrat pour la Nation", [en invitant] toutes les forces vives de notre pays à un "grand débat national sans précédent" qui demande "une réflexion profonde et partagée" », rappellent Christiane Féral-Schuhl, Marie-Aimée Peyron et Jérôme Gavaudan, dans une lettre ouverte-pétition mise en ligne ce matin sur change.org à l’attention du chef de l’État à qui ils demandent que « la justice ne [soit] pas exclue de cette réflexion essentielle pour l'avenir de notre pays » et d’arrêter le processus parlementaire pour « créer les conditions d’un débat public le plus large possible sur l’égalité d’accès à la justice dans les territoires, l’accès aux droits de nos concitoyens, leurs libertés individuelles et publiques, et la politique pénale de notre Nation ». Cette pétition a recueilli près 3 500 signatures en quelques heures.
Une journée « justice morte » est programmée pour demain, mercredi 19 décembre, et une manifestation nationale à Paris est prévue pour le 15 janvier.