Rapport Acquaviva : Le syndicat des avocats de France exaucé

Déférant à une injonction du syndicat des avocats de France (SAF), la garde des sceaux Nicole Belloubet s’est finalement résolue à diffuser ce matin le rapport sur le « bilan des réformes de la procédure d’appel en matière civile, commerciale et sociale et perspectives » commandé le 7 février 2019 à l’inspectrice générale de la justice Chantal Acquaviva et qui lui a été remis il y a quatre mois.
Dans sa lettre ouverte à la ministre de la justice publiée mercredi par LexTimes, le syndicat se plaignait de réclamer vainement ce rapport depuis quatre mois et ne pas comprendre la « réticence » ministérielle à ne pas vouloir « le communiquer, raison pour laquelle nous sommes contraints de vous adresser la présente lettre ouverte ».
À lire les contradictions dont il est émaillé, on peut aisément comprendre la volonté de vouloir le garder sous le tapis. Dans une section consacrée à l’ « adéquation entre dispositif d’aide juridictionnelle et réformes Magendie à parfaire », il est ainsi question de la « logique de responsabilisation de l’appelant à conserver » et la mission se dit « non favorable » à un retour au dispositif antérieur au 1er janvier 2017.
Le décret 27 décembre 2016 a en effet « cherché à adapter le régime de l’aide juridictionnelle à la logique de célérité des décrets dits "Magendie" », peut-on lire en page 30, en obligeant « l’appelant à déposer sa demande [d’aide juridictionnelle] avant de faire appel » et remettre cela en cause reviendrait à « enrayer la dynamique instaurée par les décrets des 9 décrets 2009 et 6 mai 2017 ».
Une page et demie plus loin pourtant, s’agissant des « difficultés d’exécution des jugements non assortis de l’exécution provisoire à considérer », il est fait état de la position de la Conférences des bâtonniers qui estime qu’avec cette réforme, « le gouvernement a créé une insécurité juridique majeure confinant à l’impossibilité d’exécuter les décisions de justice dépourvues de l’exécution provisoire » et de citer, à titre d’illustration, sans en tirer aucune conséquence si ce n’est une « réflexion » à mener sur « l’insécurité juridique », l’hypothèse, citée par plusieurs présidents de chambre de la famille, selon laquelle après expiration des délais de recours, un conjoint divorcé, non informé de la position adverse, fait transcrire un jugement de divorce sur les registres de l’état civil puis publier les bans en vue de son remariage. Il s’est remarié au moment où son ex-conjoint interjette appel après qu’il ait été statué sur sa demande d’aide juridictionnelle avec, à la clé, en cas d’infirmation du jugement de première instance, un risque de bigamie.
Dans le dispositif antérieur au 1er janvier 2017, il était interjeté appel et le délai pour conclure était suspendu jusqu’à ce que l’appelant soit fixé sur le sort réservé à sa demande d’aide juridictionnelle. L’intimé était informé de l’appel conservatoire qui était caduc en cas de non-admission de son adversaire au bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Dans le dispositif actuel, le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle est susceptible de suspendre le délai d’appel — sans que l’adversaire en ait connaissance et sous la réserve que l’aide juridictionnelle soit effectivement accordée — qui va recommencer à courir à compter de la décision définitive du bureau d’aide juridictionnelle qui peut intervenir trois, six voire neuf mois plus tard. L’intimé n’a pas à être informé que son adversaire a formulé une demande d’aide juridictionnelle ni que le délai d’appel d’un mois est susceptible d’être suspendu.
Dans la seconde hypothèse, la prétendue « logique de célérité » ne fait pas gagner le moindre jour. Supposons, dans le premier cas, une décision signifiée le 15 novembre, un appel interjeté le 20 et un dossier d'AJ déposé le même jour. Une décision du 15 février suivant octroyant le bénéfice de l’aide juridictionnelle à l’appelant obligerait son avocat à conclure pour le 15 mai.
Dans la seconde hypothèse, en faisant même abstraction des mauvais esprits ou tordus, nous avons une demande d’aide juridictionnelle déposée le 20 novembre et une décision l’accordant le 15 février suivant. L’avocat interjette appel le jour même et il devra conclure pour le 15 mai. Nul besoin d’être un grand clerc pour se rendre compte que pour pallier l’insécurité juridique, il faut privilégier la disposition ancienne qui, de surcroît, a le mérité de mieux s’accommoder avec la logique de célérité souhaitée.