Juridictions : Rapport 2015 de la cour de cassation

Le premier président, Bertrand Louvel, et le procureur général, Jean-Claude Marin, ont présenté vendredi à la presse le rapport annuel 2015 (La Documentation française, 365 p., 18 €) de la cour de cassation.
Avec 28 232 affaires enregistrées en 2015 (-4,96 %) contre 29 706, le léger infléchissement du nombre d’affaires nouvelles ou réinscrites se confirme en 2015 mais le nombre d’affaires réglées est également en légère baisse à 25 523 (-11,02 %) en 2015 contre 28 864 l’année précédente, ce qui met le stock d’affaires restant à juger à fin 2015 en hausse à 27 385 (+9,16 %) contre 25 086 à fin 2014. Le délai moyen pour obtenir un jugement de la cour suprême en 2015 a été de 402 jours en matière civile et de 173 jours en matière pénale contre 380 et 166 respectivement en 2014 et 469 et 123 il y a dix ans.
Parmi les grands arrêts rendus en 2015 par l’assemblée plénière, on retiendra notamment que la convention de gestation pour autrui (GPA) conclue entre les parents ne fait pas obstacle à la transcription de l’acte de naissance dans les registres de l’état civil français
Quant aux affaires dont ont eu à connaître les six chambres au cours de l’année 2015, la présidente de la première chambre civile, Anne-Marie Batut, a évoqué l’arrêt concernant l’interdiction du mariage franco-marocain homosexuel en application de l’article 5 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 qui a finalement été écarté au visa de l’article 4 de la Convention précitée s’agissant d’une disposition manifestement incompatible avec l’ordre public international garanti par la Convention européenne des droits de l’homme et par notre Constitution de 1958
Laurence Flise, présidente de la deuxième chambre civile, a expliqué par le menu ce qui a conduit sa formation à appliquer la prescription biennale de l’article L. 137-2 du code de la consommation en matière de fixation des honoraires d’avocat lorsqu’il s’agit d’une personne physique n’agissant pas dans le cadre d’une activité professionnelle
Pour la troisième chambre civile présidée par Pascal Chauvin, l’arrêt majeur constitue le contrôle de proportionnalité dont elle a eu à connaître à l’occasion d’un trouble manifestement illicite qui avait permis à une cour d’appel d’ordonner l’enlèvement d’ouvrages et de caravanes installés sur un terrain en violation du plan local d’urbanisme (PLU) sans rechercher si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
Plus technique est la décision 2015 de la chambre commerciale éclairée par sa présidente, Agnès Mouillard, qui permet désormais une intervention volontaire des salariés licenciés dans le cadre d’une action en responsabilité initiée par le commissaire à l’exécution du plan à l’encontre d’une banque à qui il était reproché d’avoir octroyer des crédits ruineux
La chambre sociale s’est, elle, illustrée, selon son président Jean-Yves Fruin, par la possibilité offerte dorénavant à l’employeur de pouvoir s’exonérer de sa responsabilité en matière d’obligation de résultat s’il démontre qu’il a tout mis en œuvre pour éviter les risques et protéger ses salariés
Et, enfin, Didier Guérin, président de la chambre criminelle, est revenu, quant à lui, sur l’arrêt AZF concernant les liens pouvant exister entre un magistrat et une partie civile et, ce faisant, l’impartialité du tribunal garantie par l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article préliminaire du code de procédure pénale mais il est vrai qu’en l’espèce, il s’agissait d’un conseiller de cour d’appel qui était vice-président d’une fédération d’associations d’aide aux victimes laquelle avait conclu, au cours des débats devant la juridiction, une convention de partenariat avec une autre fédération d’associations, partie civile à l’instance, à laquelle étaient adhérentes deux autres associations, également parties civiles, et tout cela sans en aviser personne
En matière de QPC (question prioritaire de constitutionnalité), la tendance baissière se confirme avec seulement 239 questions enregistrées (-22,9 %) en 2015 contre 310 l’année précédente, la diminution est sensible aussi bien matière pénale (-26,6 %) qu’en matière civile (17,5 %). Même constat au niveau des décisions rendues sur QPC : 229 (-35,5 %) en 2015 au lieu 355 en 2014, le taux de renvoi devant le Conseil constitutionnel n'étant que de 11 % (14 sur 132 décisions rendues) pour la chambre criminelle et de 17,6 % (17 sur 97 décisions rendues) pour les cinq autres chambres.
En application des dispositions de l’article R. 431-10 du code de l’organisation judiciaire, les deux plus hauts magistrats peuvent « appeler l'attention du garde des sceaux sur les constatations faites par la Cour à l'occasion de l'examen des pourvois et lui faire part des améliorations qui leur paraissent de nature à remédier aux difficultés constatées » et parmi les suggestions formulées l’an dernier, le gouvernement a retenu la possibilité de saisir pour avis la chambre sociale pour l’interprétation des conventions collectives, la communication du dossier médical pour les besoins d’une expertise judiciaire, le principe de la comparution personnelle devant la chambre de l’instruction de la personne mise en examen en cas d’appel du ministère public de sa remise en liberté ou du rejet de son placement en détention provisoire, et la modification de la procédure de désignation des cours d’assises d’appel.
Parmi les propositions de l’année dernière qui n’ont trouvé aucun écho, on peut citer : la mise en conformité avec le droit communautaire de l’acquisition des droits à congé payé en cas d’accident, maladie ou faute lourde, la suppression du contredit, la simplification de la récusation et de la suspicion légitime, l’alignement du dispositif de contrôle de conduite après usage de stupéfiants sur celui en matière de l’alcoolémie, et la possibilité d’interjeter appel d’une contravention de police.
Les propositions 2015 portent sur la convocation d’un mineur devant la justice pénale, l’information du bailleur de l’attribution à un époux du droit au bail par un jugement de divorce, la sanction en matière de contrat de travail à temps partiel prévoyant une durée inférieure au seuil légal ou conventionnel, la mise en conformité du code du travail avec la jurisprudence communautaire quant à la rémunération du temps de trajet des salariés itinérants, et simplifier et accélérer l’appel en matière civile.