Réforme constitutionnelle : Une démocratie moins inefficace, moins irresponsable et moins atypique

Un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace a été présenté hier en conseil des ministres et le débat parlementaire devrait s’ouvrir d’ici la fin du mois de juillet si les principales résistances — et notamment celle du président du Sénat Gérard Larcher — sont levées d’ici là ou pourraient être surmontées en privilégiant la voie référendaire si « l’ancienne garde » persiste à vouloir préserver son petit pré carré.
Comme son nom l’indique expressément et explicitement, cette révision constitutionnelle « portée par le gouvernement au nom du président de la République », qui se veut dans le prolongement de celle de 2008, serait donc la promesse d’une démocratie moins « inefficace », moins « irresponsable » et moins « atypique » grâce notamment à une petite dose de proportionnelle et moins de cumuls de mandats et le tout pour « mieux légiférer et évaluer les lois ».
Une démocratie plus efficace…
Le temps nécessaire pour voter une loi est « souvent supérieur à un an », est-il mis en avant dans le dossier de presse vantant les mérites de la réforme, et cela « n’est plus en phase avec le rythme de la vie politique moderne et la rapidité de décision requise des dirigeants ». La cause ? Des amendements identiques, de nature réglementaire, non normatifs voire sans lien avec le texte en discussion — ce qu’on appelle des "cavaliers législatifs" — à n’en plus finir qui seront déclarés systématiquement irrecevables sans avoir à attendre, comme le prévoit actuellement l’alinéa 2 de l’article 41 de la Constitution, que ce soit le Conseil constitutionnel qui les invalide et cela permettra au parlement de débattre « de manière plus manière plus approfondie sur les amendements qui ont une réelle portée » avec à la clé une « loi adoptée […] de meilleure qualité » mais ce faisant c’est sacrifier ni plus ni moins la démocratie, appelée obstruction ou opposition, sur l’autel de l’efficacité avec ainsi une mainmise encore plus prononcée de l’exécutif sur le législatif.
Toujours avec le même souci d’efficacité, un projet de loi pourra être discuté uniquement en commission et sera ensuite ratifié en séance plénière (article 4 du projet de loi modifiant l’article 42 de la Constitution) pour « se concentrer sur les questions les plus essentielles après un travail approfondi en commission », le nombre de discussions qui peut s’élever aujourd’hui jusqu’à 13 par texte sera réduit (art. 5 modifiant art. 45), les délais d’examen des lois de finances et de financement de la sécurité sociale resserrés (art. 6 et 7 mod. art. 47 et 47-1) et, enfin, encore davantage de priorité pour les projets de loi pour que le gouvernement puisse « mener rapidement les réformes » en matière économique, social et environnemental avec, en « contrepartie », plus de « substance au contrôle et à l’évaluation » avec l’examen des « textes tirant les conclusions de travaux d’évaluation menés par les parlementaires » (art. 8 et 9 mod. art. 48).
Un droit à la différenciation entre collectivités territoriales sera institué après ou non expérimentation (art. 15 mod. art. 72), y compris pour les départements et régions d’outre-mer (art. 17 mod. art. 73) pour permettre aux élus locaux de « répondre plus efficacement aux besoins de la population présente sur le territoire » avec un nouvel article 72-5 consacré à la collectivité de Corse.
…plus représentative…
Notre démocratie deviendrait subitement moins atypique par l’introduction d’une dose de proportionnelle pour l’élection des députés dont 15 % seraient ainsi élus sur une liste nationale et une interdiction du cumul des mandats dans le temps.
Une « Chambre de la société civile » remplacerait l’actuel Conseil économique, social et environnemental (art. 14 mod. art. 69 à 71) qui serait composée, comme son nom l’indique, de « représentants de la société civile » et serait en charge d’ « éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux à long terme » après consultation du public et serait également en charge d’ « accueillir et traiter les pétitions dans un cadre rénové ».
…et plus responsable
Les politiques ne seront plus des irresponsables et des pantouflards et c’est ainsi qu’est supprimée la disposition selon laquelle les anciens présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel (art. 10 mod. art. 56) et que les ministres auraient désormais à rendre compte de « leurs actes lorsqu’ils constituent des infractions pénales ». Devant les juridictions de droit commun lorsqu’il s’agira d’actes commis en dehors de leurs fonctions et devant la cour d’appel de Paris pour les « crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions », la Cour de justice de la République étant supprimée. Une commission des requêtes sera toutefois mise en place pour filtrer et écarter les requêtes « manifestement non fondées » et la responsabilité pénale des ministres ne pourra être actionnée en raison de leur « inaction que lorsque celle-ci résulte[ra] d’un choix qui leur est directement et personnellement imputable » (art. 13 mod. art. 68-1).
Les parquetiers ne seraient plus nommés sur avis simple mais sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui serait l’organe de discipline des magistrats du siège aussi bien que ceux du parquet (art. 12 mod. art. 65).
L'Union syndicale des magistrats (USM) regrette que les nominations des procureurs restent dans la main du ministre avec un lien de subordination hiérarchique maintenu et dénonce « l'absence d'ambition de la réforme, qui masque le refus du pouvoir exécutif d'une réelle indépendance de la justice ». Cette évolution minimale, souligne le syndicat, est « une occasion manquée. La magistrature française continue ainsi de comporter deux catégories de magistrats : ceux du siège, indépendants, et ceux du parquet, qui restent soumis au pouvoir exécutif ». Au delà des paroles, l'USM estime que « la réalité est un manque de volonté politique qui ne permet pas à la France ni de répondre aux exigences européennes d'indépendance de la justice ni de rétablir la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire ». Pour ce qui est de la suppression de la Cour de justice de la République, le syndicat dit approuver sa suppression et le transfert de compétences à la cour d’appel de Paris mais déplore l’instauration d’une commission de filtrage, dite commission de requête, composée minoritairement de magistrats de l’ordre judiciaire alors que les responsabilités pénales susceptibles d’être mises en cause relèvent exclusivement de leurs compétences.