Réforme Montebourg : Les professionnels inquiets et mobilisés par le projet de loi

Le Conseil national des barreaux (CNB) appelle les quelque 60 000 avocats de France « à rester mobilisés » et à se joindre ce mardi 30 septembre aux autres professionnels libéraux pour « une journée de retrait visible » par la clientèle et les juridictions en fermant leurs cabinets et en faisant la grève des audiences devant toutes les juridictions, « sauf urgences et situations particulières risquant de mettre en péril les intérêts des clients ».

Le projet de réforme, initié par le prédécesseur de M. Macron, Arnaud Montebourg, s’appuie sur un rapport – non publié officiellement – de l’Inspection générale des finances (IGF) qui suggère plusieurs pistes pour redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs en réformant 37 professions réglementées, dont les avocats, notaires, huissiers, greffiers des tribunaux de commerce, pharmaciens,... 

Reçu hier matin par les ministres de la justice Christiane Taubira et de l’économie Emmanuel Macron, le président du CNB Jean-Marie Burguburu n’est pas parvenu à faire pencher la balance d’un iota dans le sens souhaité par le courant majoritaire de la profession. Le gouvernement entend maintenir, explique-t-il dans un communiqué, les trois mesures annoncées au cours de l’été, à savoir : la suppression de la territorialité de la postulation devant le tribunal de grande instance et du tarif correspondant, la création d’un statut d’avocat salarié en entreprise et l’ouverture aux tiers du capital des sociétés d’exercice libéral.

La profession est divisée sur les deux premières mesures avec une hostilité nettement plus marquée pour la troisième mesure qui risquerait, à terme, de faire perdre leur indépendance aux avocats. Mais comme l’écrivait avant-hier le président de la Confédération nationale des avocats (CNA) Louis-Georges Barret dans une lettre ouverte au président Burguburu, ce dernier ne peut s’engager et soutenir que « les projets qui ont reçu l’assentiment de l’assemblée de notre institution ». La marge de manœuvre pour l’ « institution » est donc fort étroite et ne peut que souligner qu’il importe « de maintenir le maillage territorial des 164 barreaux de France et d’outre-mer, en matière civile et pénale, pour éviter la création de ‘déserts judiciaires’ et de préserver les principes essentiels de la profession, au premier rang desquels figure son indépendance ».

Bercy reçoit, écoute mais insiste sur l’urgence de la réforme pour laquelle un groupe de travail, composé des conseillers des deux ministères et de représentants du CNB, s’est réuni dès hier après-midi « pour analyser sur un plan technique les effets potentiels de ces mesures sur la profession d’avocat ». D’où la mobilisation pour ce mardi 30 novembre aux côtés des 36 autres professions réglementées.

Hier matin, étaient également reçus par les ministres de la justice et de l’économie les mandataires et administrateurs judiciaires qui ne semblent pas bien comprendre ce qu’on leur reproche réellement puisqu’ils sont désignés par décision de justice, sont rémunérés selon un tarif réglementaire « sans aucun coût pour l’État » et n’ont pas de clientèle. Le rapport de l’IGF préconise de revoir leur tarif qui ne rend pas compte du « coût réel des diligences mises en œuvre » et d’ouvrir leur capital sans restriction.

Au moment de publier, communiqué à12h44 du barreau de Paris qui dit apprendre avec « stupéfaction » cet appel du CNB à une mobilisation nationale le 30 novembre 2014 alors qu' « aucun consensus » n'est intervenu entre les principaux représentants de la profession d'avocat pour un appel à la grève générale qui, poursuit le communiqué, fait suite à une initiative de l'Unapl (Union nationale des professions libérales) et ne paraît pas « opportun » puisque les textes proposés par le gouvernement ne remettent pas en cause « le caractère réglementé de la profession »« Mieux encore », selon le bâtonnier de Paris Pierre-Olivier Sur, ces textes pourraient permettre « d'offrir des perspectives d'évolution modernes et raisonnables pour les conditions d'exercice de notre métier ». La division est bien là et elle est bien réelle !
 

Ces divisions ont conduit le bureau du CNB à convoquer, le 26 septembre 2014, en urgence, une assemblé générale extraordinaire prévue pour le vendredi 3 octobre 2014 — à laquelle tous les membres du conseil de l'ordre de Paris sont conviés — dont l'ordre du jour sera la suppression de la territorialité de la postulation, l'ouverture aux tiers du capital des SEL, l'exercice dans le cadre de structures commerciales, la suppression du contrôle préalable de l'ordre sur l'installation de cabinets secondaires, les conventions d'honoraires obligatoires en toutes matières et la création d'un statut d'avocat salarié en entreprise. À la clé, une tentative d'accoucher une position commune sur certains points qui fâchent.