Restaurants : Un ancien Top Chef réclame le paiement de deux cailles non fournies

Jean-Baptiste Ascione, 28 ans, ex-Top Chef éliminé en troisième semaine lors de la saison 2015, tient d’une main thatchérienne le restaurant Petit Gris qu’il a ouvert en 2019 à Paris, dans le 17e arrondissement, et chez lui des dépenses inutiles ou des « cadeaux » aux clients il n’y en a pas. Ce serait même plutôt le contraire, à tel point qu’il essaie de faire payer, à cor et à cri, à un client une commande de deux cailles, d’une valeur de 36 euros, qu’il a été incapable d’honorer dans un délai raisonnable, selon une convocation du commissariat de la rue Truffaut datée d’hier en vue d’une audition libre prévue pour le 8 novembre 2022 faisant état d’une infraction de « filouterie d’aliment ou de boisson [commise] le 07/10/2022 à Paris 17 » et dont LexTimes a pu prendre connaissance.
Procès-verbal de convocation en vue d'une audition libre pour un service non fourni qualifié de filouterie d'aliment.
Deux personnes (que nous désignerons par les lettres A et B ou les clients) se rendent donc ce 7 octobre au restaurant Petit Gris de M. Ascione, mentionné au Michelin depuis l’année dernière sans étoiles ni Bib gourmand
La carte se compose d’une dizaine de mets qui peuvent tous, précisera la serveuse, se déguster tels que en entrée à partager ou non ou en plat de résistance avec un accompagnement moyennant un supplément. Le choix de nos deux convives se porte sur trois entrées à partager et une caille chacun avec un accompagnement chacun également, le tout arrosé d’une demi-bouteille d’eau plate et d’une bouteille de vin rouge. Tout se passa plus ou moins correctement jusqu’à la fin de la dégustation des trois entrées partagées dans la bonne humeur malgré les allées et venues incessantes vers le sous-sol et à ce moment-là précis, la bouteille de vin était, nous disent A et B, encore remplie environ aux trois quarts.
Plus de trente minutes plus tard, il ne restait plus que quelques gouttes de vin et toujours point de cailles en vue. C’est alors que A essaya vainement d’attirer l’attention d’un des deux serveurs qui vaquaient à leurs besognes tout en passant, à plusieurs reprises, à proximité pour servir ou desservir les tables voisines ou descendre au sous-sol sans daigner desservir la table de A et B ni fournir la moindre explication quant au délai d’attente pour les deux cailles qui était devenu manifestement beaucoup trop long.
La bouteille de vin rouge complètement vide, les clients se dirigèrent vers le comptoir pour régler sans savoir ce qu'il était advenu aux deux cailles et c’est là que les choses s’envenimèrent, croit-on comprendre. Il était en effet réclamé, expliquent A et B, le paiement des deux cailles et de leur accompagnement non fournis et le règlement de l’addition expurgée de ce qui n’avait pas été fourni a été refusé par le Petit Gris. Ni une ni deux, nos deux compères s’en allèrent alors sans payer mais en laissant leur carte de visite et sommés de justifier qu’il ne s’agissait pas d’une fausse carte de visite, il a été produit une pièce d’identité.
Quatre jours plus tard, le 11 octobre, appel téléphonique de M. Ascione à A, nous précise ce dernier, réclamant, à nouveau et toujours, le paiement intégral de sa note, y compris le prix des deux cailles non fournies et n’étant pas parvenu à extorquer aux clients le paiement de ses deux cailles non fournies, Jean-Baptiste Ascione s’en est allé déposer plainte au commissariat de police de la rue Truffaut, ente les mains du gardien de la paix APJ Simon Krawczyk, pour « filouterie d’aliment ou de boisson ».
Courriel d'un APJ visant l'article 78 du code de procédure pénale.
L’affaire aurait sans doute pu en rester là si le gardien de la paix Krawczyk, ou son supérieur hiérarchique, avait eu la clairvoyance d’esprit d’inviter le plaignant à agir par voie de citation directe devant le tribunal correctionnel ou d’assignation devant le tribunal judiciaire pour obtenir les 36 euros contestés et ne s’était mis en tête de vouloir « diligenter » une enquête alors que la filouterie, prévue et réprimée de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende par l’article 313-5 du code pénal, est le fait « par une personne qui sait être dans l’impossibilité absolue de payer ou qui est déterminée à ne pas payer […] de se faire servir des besoins ou des aliments dans un établissement vendant des boissons ou des aliments ». Or, il n’y a, en l’espèce, sauf appréciation souveraine des cours et tribunaux de la République, ni impossibilité de payer ni volonté de ne pas payer mais un simple refus de payer une prestation ou un service non fourni, ce qui relève davantage d’un différend commercial que pénal.
Dommage que Jean-Baptiste Ascione soit aussi mauvais gestionnaire qu’il est bon cuisinier mais, à 28 ans, il a toute la vie devant lui pour s’améliorer en gestion et, qui sait ?, décrocher une étoile dans quelques années si cette procédure ne l’emporte pas.
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► « Correspondance : Une lettre comminatoire de Maître Alexandra Jouclard », 28 oct. 2022.