Roms : L'évacuation du bidonville des Coquetiers jugée indécente par le SM

Le syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) juge« indécent » l'évacuation du bidonville des Coquetiers en application d'un arrêté du maire UDI de Bobigny Stéphane De Paoli alors que ce dernier n'avait pas obtenu, le mois dernier, du juge des référés l'expulsion de ces familles qui y ont élu domicile depuis plus de trois ans.
Evacuation du camp de roms des Coquetiers au mépris de la décision du juge des référés de Bobigny : indécent ! http://t.co/zKvFV7K7Nn
— SMagistrature (@SMagistrature) 22 Août 2014
C'est avec « la plus grande fermeté » que le SM dit condamner cette décision du 19 août 2014 du maire balbynien prise au mépris d'une décision de justice
Pour débouter la commune de Bobigny de sa demande d'expulsion des occupants de ce campement, dans une ordonnance de référé fort bien motivée rendue le mois dernier, le juge de l'urgence de Bobigny avait sagacement retenu le défaut d'urgence au regard de l'article 808 du code de procédure et l'absence de trouble manifestement illicite au regard de l'article 809 du même code.
Pour dire que l'urgence exigée par l'article 808 ne lui apparaissait « ni démontrée ni caractérisée », Patrick Henriot, premier vice-président au tribunal de grande instance de Bobigny qui signe cette ordonnance, relève que la commune ne produit aucun document de nature « à corroborer ses simples affirmations », l'unique document produit — un procès-verbal de constat faisant simplement état « de nombreux câbles électriques qui courent sur le sol et au niveau des branches d'arbres » — est insuffisant à caractériser « un péril imminent ou l'urgence qu'il y aurait à procéder à l'expulsion d'habitants dont il n'est pas contesté qu'ils sont installés depuis plus de trois ». Et si l'absence d'infrastructure sanitaire et de point d'eau sur place caractérise l'extrême précarité dans laquelle vivent les habitants, il n'apparaît pas non plus, faute encore de solution de relogement annoncée, tranche le tribunal, que l'expulsion sollicitée puisse répondre « à cette urgence en étant, par ses effets propres, de nature à mettre fin à cette situation, laquelle serait seulement renouvelée à l'identique en un autre lieu ».
Quant à l'absence de trouble manifestement illicite, il découle, pour le tribunal de Bobigny, de la mise en concurrence du droit de jouir de sa propriété de la manière la plus absolue que la commune tire des dispositions de l'article 544 du code civil et du droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance en application de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme que le juge de l'urgence doit arbitrer en se livrant « à un examen de proportionnalité de l'ingérence dans [le droit à la protection du domicile] que constituerait la mesure d'expulsion sollicitée par le propriétaire ».
Au cas particulier, le trouble allégué par la commune de Bobigny, propriétaire du terrain où a élu domicile cette communauté rom depuis plus de trois ans, doit être évalué, poursuit le tribunal, en tenant compte de ce que cette collectivité n'invoque l'existence « d'aucun projet d'intérêt public ou privé portant sur les parcelles en cause [...] affectées à sa réserve foncière ». Symétriquement, pour le tribunal, l'examen de proportionnalité nécessite qu'il tienne également compte que la mesure sollicitée est susceptible d'affecter « gravement et durablement les conditions d'existence des personnes physiques qui en seraient l'objet ». Circonstance aggravante pour la commune de Bobigny et son maire, aucune des mesures prévues par la circulaire du 26 août 2012 relative à l'anticipation et à l'accompagnement des opérations d'évacuation des campements illicites n'a été mise en œuvre.
Toujours est-il que le 19 août 2014, soit sept semaines après cette décision de justice, le maire de Bobigny, Stéphane De Paoli, a entendu se faire justice lui-même et a donc pris un arrêté mettant en demeure les occupants des parcelles litigieuses de « quitter les lieux dans un délai de 48 heures » à compter de la notification qui a eu lieu le jour même. La motivation de l'arrêté repose sur« deux incendies qui se sont produits sur ce campement les 23 mars 2013 et 11 février 2014 », sur le fait que « ce campement, constitué pour l'essentiel de cabanes réalisées à l'aide de matériaux précaires et inflammables, est parcouru de nombreux câbles électriques au niveau du sol et des branches d'arbres [...] des braseros sont installés dans lesdites cabanes ainsi que des bouteilles de gaz pour la cuisson des aliments » et sur « l'amoncellement de déchets sur le campement et [...] la prolifération de rongeurs ». L'évacuation immédiate du campement est nécessaire, précise M. De Paoli, pour préserver « tant la sécurité publique que la salubrité publique ».
Pourquoi, s'interroge le syndicat de la magistrature dans un communiqué diffusé hier, « songer à se conformer à une décision de justice, ou à en faire appel quand on peut, par un simple arrêté, la contourner et ainsi bafouer les droits fondamentaux de ses occupants ».