Secret professionnel : Le barreau de Paris valide des échanges confidentiels entre avocats par messagerie non sécurisée

Validation par le barreau de Paris des échanges confidentiels entre avocats par messagerie non sécurisée. Avis strictement confidentiel rendu le 29 août 2017. Document exclusif LexTimes.
Validation par le barreau de Paris des échanges confidentiels entre avocats par messagerie non sécurisée. Avis strictement confidentiel rendu le 29 août 2017. Document exclusif LexTimes.

La Commission du respect du contradictoire et des procédures du barreau de Paris a considéré qu’un avocat n’a commis aucun manquement déontologique en adressant à un confrère ses écritures et une centaine de pages de pièces à une adresse de messagerie électronique non sécurisée figurant dans l’annuaire de l’Ordre, selon un avis « strictement confidentiel au regard d’un usage constant et ancien » rendu le 29 août 2017 et dont LexTimes a eu connaissance.

À l’origine de cet avisOrdre avocats Paris, avis, 29 août 2017, n° 183/296514, Alfredo Allegra c/ Sidonie Fraîche-Dupeyrat. prétendument confidentiel, un référé d’heure à heure devant un tribunal d’instance de Paris prévu pour le lundi matin 24 juillet 2017. L’avocat du demandeur fait délivrer assignation les 19 et 20 juillet, un des avocats adverses se manifeste dans la matinée du vendredi 21 pour connaître l’adresse mail à laquelle elle peut envoyer ses pièces et écritures et il lui est répondu d’utiliser l’adresse RPVA (Réseau privé virtuel des avocats) qui figure dans l’assignation.

Elle n’en fera rien et après 19 heures, au mépris du secret professionnel et du respect du contradictoire, elle — une avocate associée, Sidonie Fraîche-Dupeyrat, d’un grand cabinet parisien, LPA-CGR Avocats (issu de la fusion de Lefèvre Pelletier & associés et CGR Legal), pour ne pas le nommer — enverra ses pièces et écritures à une adresse de messagerie électronique liée à un compte Google qui, certes, figure dans l’annuaire de l’Ordre mais qui n’offre aucune sécurité ni confidentialité et dont les pièces jointes sont systématiquement détruites partiellement voire totalement dès lors que l’expéditeur ne figure pas dans le carnet d’adresses.

Échanges plus ou moins virulents pendant tout le week-end, dont le bâtonnier aura immédiatement connaissance pour être mis en copie, consistant pour l’un à réclamer une communication par le RPVA ou par porteur et pour l’autre à soutenir que qu’il n’est pas « possible d’utiliser le RPVA pour une procédure devant le tribunal d’instance ».

Or, s’il est vrai que les greffes des vingt tribunaux d’instance parisiens ne sont pas encore accessibles via le RPVA, argumente l’avocat à l’origine de la réclamation, il n’en demeure pas moins que le RPVA permet depuis plusieurs années, poursuit-il, « un échange aisé, sécurisé et confidentiel entre avocats » et d’ailleurs, assure-t-il, « un autre confrère a communiqué ses pièces et écritures ce jour-là par le RPVA à la grande satisfaction de tous ».

L’avis rendu la semaine dernière, signé par Béatrice Vignolles, en sa qualité de membre du conseil de l’ordre et de la commission du respect du contradictoire et des procédures, retient la thèse de Me Fraîche-Dupeyrat selon laquelle il est impossible d’utiliser le RPVA pour une procédure devant le tribunal d’instance et qu’en conséquence, « la commission considère que Mme Fraîche n’a commis aucun manquement déontologique en adressant ses pièces [et écritures] à l’adresse mail [non sécurisée] figurant dans l’annuaire des avocats du barreau de Paris ».

Mme Vignolles pousse le bouchon jusqu’à « soulign[er] que [cet] avis est strictement confidentiel au regard d’un usage constant et ancien et qu’il ne peut d’aucune manière être communiqué à vos clients, à des tiers, ou à des juridictions » alors qu’il a été jugé par la cour suprême, dans un arrêt qui a fait couler beaucoup d’encre, que « les échanges entre un avocat et les autorités ordinales ne sont pas confidentiels »Civ. 1e, 22 sept. 2011, n° 10-21219, Bâtonnier de l’ordre des avocats à la cour d’appel de Paris c/ Alfredo Allegra..

Prié de rapporter cet avis incongru, la décision du bâtonnier de Paris Frédéric Sicard est fort attendue pour remettre les pendules à l'heure quant aux moyens qui peuvent être utilisés pour les communications entre avocats d’une part et, d’autre part, sur la non-confidentialité des échanges entre un avocat et les autorités ordinales, le barreau de Paris ne pouvant prétendre se placer au-dessus de la Cour de cassation.