Tribunal de Paris : Trois plaintes d’une avocate pour une expulsion manu militari d'une salle d’audience

Une avocate délogée d'une salle d'audience du tribunal de Paris par six policiers
Une avocate délogée d'une salle d'audience du tribunal de Paris par six policiers

Il y a deux semaines, le 16 mai 2019, à la demande du juge d’audience qui avait ordonné le renvoi à quatre mois d’une banale affaire de saisie-attribution, une avocate, Anna Salabi, a été traînée par les chevilles hors d’une salle d’audience du tribunal d’instance de Paris par six policiers alors même qu’elle était en ligne avec le membre de permanence du conseil de l’ordre pour le saisir de la difficulté à laquelle elle était confrontée.

Dans une motion adoptée cinq jours plus tard, le conseil de l’ordre des avocats de Paris condamne sévèrement cette « agression » en cours d’audience qu’il qualifie d’ « intolérable » et « révolté », il juge l’usage de la force contre un avocat « inacceptable », rappelant que l’article 434-8 du code pénal réprime de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende « tout acte d’intimidation commis envers un avocat dans l’exercice de ses fonctions ».

« Tout différend entre un avocat et un magistrat doit être réglé en présence du bâtonnier, dans la dignité et l’esprit de dialogue qui caractérisent leurs actions quotidiennes », souligne la motion du barreau de Paris qui assure Me Salabi de « son entier soutien » et annonce qu’il s’associera à toute procédure engagée tant devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) que devant les juridictions répressives à l’encontre de la juge, Laurence Haiat, qui a en fait elle-même prêté le serment d’avocat en 2005 et n’a accédé à la magistrature qu’en 2012 en tant qu’auditeur de justice. Nommée au tribunal d’instance de Verdun en juin 2014, elle a été affectée au tribunal d’instance du 14e arrondissement de Paris à compter de juillet 2017 avant d’occuper ses fonctions actuelles depuis mai 2018.

Une protestation d’une centaine d’avocats en robe jeudi dernier dans l’atrium du tribunal des Batignolles a été l’occasion pour le bâtonnier Marie-Aimée Peyron d’évoquer l’incident avec le président du tribunal, Jean-Michel Hayat, qui a entendu « rappeler à chacun que tout incident d'audience doit conduire à saisir sur-le-champ le délégué du bâtonnier à la permanence de l'ordre, en suspendant, si nécessaire, le cours de l'audience », soulignant qu’ « en aucun cas », il ne peut être « recouru au concours des forces de l'ordre, à l'égard d'un avocat, dans l'exercice de sa mission ».

Les difficultés étant réelles, la juridiction et le barreau se disent en phase pour organiser « prochainement des assises consacrées à la relation avocats-magistrats-personnels de justice » afin de dégager ensemble « des solutions d'apaisement que le président du tribunal de grande instance et le bâtonnier appellent de leurs vœux ».

Sollicitée par LexTimes, Me Salabi reconnaît avoir protesté avec « virulence » et avoir dit que c’est « malhonnête » d’ordonner le renvoi à quatre mois d’un dossier dont le magistrat disposait de tous les éléments pour fixer le montant de la saisie sur les salaires de la débitrice mais lui ayant refusé d’accéder aux notes d’audience de la greffière, rien ne justifiait, selon elle, dans l’attente de l’arrivée du délégué du bâtonnier qu’elle avait en ligne, qu’elle se fît déloger par six policiers de l’endroit [sous le bureau de la greffière] où elle s’était réfugiée. Trois plaintes ont donc été déposées, nous dit l’avocate à qui il a été reconnu deux jours d’ITT pour cette expulsion manu militari d’une salle d’audience, l’une entre les mains du bâtonnier dans la mesure où la magistrate est une ancienne avocate, une autre adressée au CSM et la troisième à Jacques Toubon, Défenseur des droits, qui a la charge, parmi ses multiples attributions, de veiller au respect de la déontologie des professionnels de la sécurité, dont font partie les policiers.