Turquie : Interpellation et placement arbitraire en détention de 9 avocats

Neuf avocats turcs, et peut-être même davantage, ont été interpellés hier matin à l’aube et placés en détention dans le cadre d’une vaste opération menée par la police turque.
Il s’agit de İrfan Arasan, Ayşe Acinikli, Hüseyin Boğatekin, Şefik Çelik, Adem Çalışçı, Ayşe Başar, Tamer doğan, Ramazan Demir et Mustafa Ruzgar. Tous sont membres de l’association Ozgurlukcu Hukukcular Dernegi (OHD, Association des avocats pour la liberté) et devaient assurer, à partir d’aujourd’hui, la défense des 46 avocats poursuivis pour leur participation dans la défense du dirigeant du Parti des travailleurs kurdes (PKK), Abdullah Öcalan.
« Ces nouvelles arrestations viennent s’ajouter à une liste déjà longue d’actes de répression dirigés contre la profession [d’avocat] en Turquie », dénonce le Conseil national des barreaux (CNB) dans un communiqué. Pour l’UIA (Union internationale des avocats), ces arrestations portent « atteinte aux droits de la défense tels que consacrés dans les instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l'Homme ratifiés par la Turquie » et dénonce les attaques récurrentes dont sont victimes les avocats défenseurs des droits de l’homme « sur le fondement des lois antiterroristes dont il est fait un usage abusif ».
L’Observatoire international des avocats en danger, dont le CNB et le barreau de Paris sont membres aux côtés de leurs homologues italien et espagnol, appelle les autorités turques à respecter « les Principes de base relatifs au rôle du barreau » adoptés par le huitième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants. Il s’agit, en substance, de garantir, en toutes circonstances, l’indépendance et la liberté des avocats, la confidentialité des correspondances et des communications ainsi que le respect du principe selon lequel les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients.
« Si nous ne réagissions pas, écrit le barreau de Paris dans un communiqué, ce qui se passe sur les bords du Bosphore pourrait arriver un jour sur les bords de la Seine (sic !), car nous n’oublions pas que nos gouvernants ont refusé de nous garantir constitutionnellement les droits de la défense ». Et la réaction du premier barreau de France ne s’est pas faite attendre, une avocate est immédiatement partie pour Istanbul pour porter le message : « les 27 000 avocats parisiens sont à vos côtés ! ».
Plus sérieusement, l’USM (Union syndicale des magistrats) fait également état d’ « atteintes » aux standards européens d’une justice indépendante et impartiale qui se sont « multipliées » pendant que de « nombreux magistrats ont été déplacés d’un bout à l’autre du pays sans leur consentement » et que d’autres ont été « poursuivis et incarcérés en considération de décisions qui avaient déplu ».
Alors que la crise des migrants est susceptible de conduire l’Europe à envisager l’accélération du processus d’intégration, la détention arbitraire de ces neuf avocats arrêtés hier n’est pas compatible avec le processus de démocratisation auquel doit se soumettre la Turquie pour rejoindre le club auquel elle aspire.