Ukraine : Rejet du recours de RT France sollicitant la suspension des sanctions imposées par le Conseil de l’Union européenne

Rejet du recours en référé de RT France
Rejet du recours en référé de RT France.

Le juge des référés du Tribunal de l’Union européenne (TUE) a rejeté ce matin la demande de RT (Russia Today) France visant à suspendre les sanctions d’interdiction d’émettre adoptées à son encontre, le 1er mars 2022, par le Conseil de l’Union européenne, à la suite de l’invasion, cinq jours plus tôt, de l’Ukraine par la Russie.

Le Conseil a en effet pris une série de mesures afin de suspendre les activités de diffusion de certains médias, dont RT France, dans l’Union ou en direction de l’Union au motif que la Russie a mené « des actions de propagande ciblant les membres de la société civile de l’Union et de ses voisins, en faussant et manipulant gravement les faits, ayant utilisé, à cet effet, comme canaux des médias placés sous le contrôle des dirigeants russes ».

RT France a alors saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision du Conseil et a également formulé une demande en référé sollicitant le sursis à l’exécution de la mesure la concernant qui a été rejetéeTUE, ord., 30 mars 2022, n° T-125/22 R, RT France c/ Conseil. faute de satisfaire aux deux conditions cumulatives de l’évidence et de l’urgence.

S’agissant de l’urgence, RT a fait plaider les « conséquences économiques, financières et humaines ‘dramatiques’ », une « grave atteinte à sa réputation » et une « entravée totale et durable de l’activité d’un service d’information » qui ont, tous trois, été écartés.

Pour ce qui est du premier argument, le président du Tribunal estime que les données fournies par RT ne lui ont pas permis d’apprécier si le préjudice invoqué revêt une dimension sociale et s’il n’est que « purement économique et financier », il ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable dans la mesure où une compensation pécuniaire sera à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Au cas particulier, le président du Tribunal relève que RT s’abstient d’exposer sa situation financière et de fournir la moindre donnée chiffrée qui permettrait d’apprécier le caractère grave et irréparable 0de son préjudice financier.

Le second argument relatif à sa réputation en ce qu’elle est présentée comme un média sous contrôle permanent et exclusif du pouvoir russe, le président du Tribunal souligne malicieusement que l’éventuelle atteinte à sa réputation a déjà été causée et durera tant que la décision attaquée ne sera sera pas annulée par l’arrêt au principal, étant précisé que la finalité d’une procédure de référé n’est pas d’assurer la réparation d’un préjudice déjà subi et une annulation de la décision attaquée au terme de la procédure au fond constituera une réparation suffisante du préjudice moral allégué.

Quant au troisième argument selon lequel RT soutient que la gravité et le caractère irréparable du préjudice seraient établis par le fait qu’il s’agirait d’une entrave totale et durable de l’activité d’un service d’information et que la décision entreprise serait irrémédiable et particulièrement grave au sein de sociétés démocratiques, le président du Tribunal souligne qu’il incombait à RT d’exposer et d’établir la probable survenance d’un tel préjudice et se prévalant en termes « généraux et abstraits » de l’atteinte au caractère démocratique de la société européenne, elle ne précise pas en quoi cette atteinte la concernerait ou l’affecterait elle-même.

La condition relative à l’urgence n’est donc pas établie et la balance des intérêts en cause, est-il retenu, penche en faveur du Conseil puisque les intérêts poursuivis par cette institution visent la nécessité de protéger les États membres contre des campagnes de désinformation et de déstabilisation qui seraient menées par les médias placés sous contrôle des dirigeants russes et qui menaceraient l’ordre et la sécurité publics de l’Union, dans un contexte marqué par une agression militaire contre l’Ukraine.

En revanche, les intérêts dont se prévaut RT se réfèrent à la situation de ses employés et à sa viabilité financière, intérêts d’une société de droit privé dont les activités principales sont temporairement interdites et dans l’hypothèse où elle obtiendrait gain de cause par l’annulation des actes attaqués dans la procédure au fond, le préjudice subi par l’atteinte à ses intérêts pourra être évalué, de sorte que le dommage éventuellement subi pourra faire l’objet d’une réparation ou une compensation ultérieure.

Le président du Tribunal précise par ailleurs que, compte tenu des circonstances exceptionnelles en cause, le juge du fond a décidé de statuer selon une procédure accélérée , de sorte que RT obtiendra dans les meilleurs délais la réponse à sa demande d’annulation.