Voyance : Une action collective pour débusquer illuminés et manipulateurs

L’association Institut national des arts divinatoires (Inad) dit avoir mandaté un cabinet d’avocats pour mettre en place« une sorte de "class action" pénale, en fédérant les plaignants pour déposer des plaintes groupées [… car] 2,5 à 3 millions de consommateurs [… ne peuvent continuer] à se jeter dans les bras de perturbés ou d’illuminés aux pratiques sectaires, d’affairistes et de manipulateurs professionnels qui les entraînent dans une spirale d’échecs, les dépouillant de leurs économies et de leur volonté ».
C’est « la multiplication des escroqueries et des arnaques organisées et généralisées dont sont victimes des milliers de personnes », indique l’association dans un communiqué, qui l’aurait incitée à lancer « l’idée de cette action judiciaire nationale » pour faire apparaître au grand jour « un état des lieux des infractions en tous genres que génère la voyance » pour que les pouvoirs publics comprennent que cela devient « un réel problème de société ».
Il faut responsabiliser et réglementer les professionnels des activités divinatoires
Youcef Sissaoui, président de l'Institut national des arts divinatoires.
En faisant « condamner en masse » puis « écarter les exploiteurs de la détresse humaine et autres charlatans qui enfreignent quotidiennement la loi », le président de l’Inad Youcef Sissaoui espère « responsabiliser les professionnels des activités divinatoires » avant que l’État ne finisse par se décider à« réglementer un tant soit peu cette profession pour ne plus la laisser livrée à elle-même et aux mains de lobbies qui se pensent intouchables ». Elle dit ne viser aucun cabinet ou plateforme en particulier mais tout cabinet ou plateforme responsable « d’abus ou escroquerie sous le couvert de la voyance illusoire », y compris contre toute personne figurant dans son propre annuaire qui s’est engagée à respecter une « charte de déontologie », indique-t-elle en précisant que dans cette hypothèse, si le praticien est condamné, « une procédure d’exclusion sera engagée ».
L’Association française pour l’information scientifique doute qu’il y ait de la divination honnête
Agnès Lenoire : « T’empêches tout le monde de rêver ! », AFIS, 19 déc. 2006.
Les personnes estimant avoir été abusées par un prétendu « voyant » peuvent se joindre à cette procédure en remplissant en questionnaire en ligne ou en prenant contact avec le cabinet Panon—Fairbairn. Il devrait leur en coûter un honoraire fixe compris entre 180 et 360 euros et, si la procédure aboutit, un honoraire de résultat de 12 %. Petit bémol, l’Association française pour l’information scientifique doute qu’il y ait de la « divination honnête » et le lancement de cette procédure ne serait qu’une « arnaque » supplémentaire pour asseoir un peu plus le prétendu pouvoir divinatoire des membres de l’Inad au détriment des autres charlatans et manipulateurs.
Il ne s'agit pas, rétorque le conseil de l'Inad, Me Stanislas Panon, de croire ou de ne pas croire aux pouvoirs divinatoires de ceux qui exercent « de manière honnête ». L'objectif, explique-t-il, est de poursuivre les excès de gens sans compétences ni scrupules et qui profitent de la détresse de personnes vulnérables qui se laissent facilement embarquer dans des dépenses inconsidérées pour satisfaire ce qui devient une addiction incontrôlable et se retrouvent dépouillés et interdits de chéquier. Ainsi, nous raconte Me Panon, la mésaventure d'une dame qui aurait vendu son appartement au rabais pour faire venir « un talisman d'Inde » qui lui aurait été facturé plus de 30 000 euros.
Les consultants ont pour mission de recueillir des renseignements sur la surface financière des clients en suivant une trame ou un modèle de questions
Tribunal correctionnel de Grasse, 13 nov. 2012.
Avocat habituel de l'Inad, le cabinet Panon—Fairbairn nous a donné accès à quelques-uns de ses trophées dont un jugement
Le maître d'orchestre de cette escroquerie qui s'est déroulée dans le sud de la France entre 2003 et 2008, Stéphane Angibaud, a été condamné à trois ans de prison dont un an avec sursis et mise à l'épreuve de trois ans. Pas de peine de prison ferme pour les trois autres qui écopent de 3 ans, 2 ans et un an avec sursis. Les neuf victimes ont obtenu un montant total non négligeable de 621 000 euros au titre du préjudice financier, outre une indemnité pour le préjudice moral pour cinq d'entre elles. Sur l'appel interjeté par l'un des prévenus, le ministère public et deux parties civiles, la cour d'Aix
Cumulant des problèmes professionnels, affectifs et judiciaires, Murielle [le prénom a été modifié], 54 ans, a consulté plusieurs voyants « diamant », une des catégories les plus chères, de fin 2010 à fin 2014 sur la plateforme cosmospace.com. Les premières consultations à 15 euros les 10 premières minutes et 7,50 euros la minute supplémentaire se sont bien vite révélées insuffisantes et onéreuses, confie-t-elle à LexTimes.fr. Très rapidement, il lui a été proposé un forfait de 300 minutes pour 1 300 euros et y a englouti 43 000 euros en l'espace de 4 ans. Sa situation psychologique et financière n'a toutefois fait que se dégrader. Actuellement hospitalisée, Murielle dit vouloir attendre encore quelques mois avant de déposer plainte car elle a remis plusieurs chèques de 400 euros chacun pour solder son compte qui ne doivent normalement être mis à l'encaissement qu'au cours des prochains mois. Sa crainte étant qu'ils soient tous encaissés immédiatement et qu'elle se retrouve interdite de chéquier.
C. N., une jeune de 28 ans du département de l'Essonne, se dit, elle, victime de la plateforme astralive.com. Au mois d'août dernier, en mal d'amour et curieuse quant à son avenir, c'est en surfant sur internet que C. a cliqué par hasard sur cette plateforme qui lui a vendu d'emblée un forfait de 80 minutes pour 400 euros et elle en a consommé une dizaine en l'espace de 4 mois. Sans résultat. Elle n'est pas trop déçu car elle n'y croyait pas trop mais elle va quand même se joindre à l'action collective et réclamer ses 4 000 euros.