Lecture : Le mémento de Jean Vilar

« Le mémento de Jean Vilar » (1952-1955). Adaptation, scénographie et mise en scène par Jean-Claude Idée. Avec Emmanuel Decharte. Au théâtre 14
Comédien de théâtre et de cinéma, auteur et metteur en scène, créateur du festival d’Avignon en 1947 et directeur du TNP (Théâtre national populaire) de 1951 à 1963, cette intéressante lecture-découverte est basée sur des notes manuscrites personnelles voire fort intimes consignées dans un cahier d’écolier à spirales que Jean Vilar (1912-1971) a tenu, au cours de l’hiver 1952 à l’été 1955, comme un Journal et qu’il qualifie lui-même comme étant un « mémento des faits survenus dans l’histoire du Théâtre National Populaire, du 29 novembre 1952 au 1er septembre 1955. Et mémoire de suggestions, de conseils, de rêveries et de regrets, exprimés de bonne foi, par un directeur, toutes choses pouvant être fort utiles à celles et à ceux qui se destinent par les moyens de l’illusion à enseigner et divertir leurs semblables ».
Cette période 1952-1955 correspond ainsi aux premières années qu’il dirige le TNP. Il a en effet été nommé, l’année précédente, par Jeanne Laurent, la responsable du service « culture » au ministère de l’éducation nationale, directeur du palais de Chaillot à qui il a redonné son nom d’origine mais son contrat comporte bizarrement une clause léonine qu’il ne parviendra pas à faire supprimer ou modifier et qui le place dans une situation financière fort inconfortable.
Il est en effet responsable des pertes du théâtre sur ses biens propres et ne peut prétendre pour se rétribuer qu’aux seuls éventuels bénéfices mais des bénéfices, le théâtre n’en fera point au cours des 12 années pendant lesquelles il en assurera la direction. Et pour couronner le tout, il n’est pas, non plus, rémunéré en tant que comédien et metteur et scène. Un luxe qui n’est certainement pas à la portée de tout le monde mais Jean Vilar aime énormément beaucoup le théâtre sous toutes ses formes et l’argent, si ce n’est le cadet de ses soucis, n’est, en tout cas, guère important ou primordial.
Emmanuel Dechartre, directeur du théâtre 14 depuis 1991, accueille dans ses murs ce Mémento de Jean Vilar à qui il donne corps et vie en se faisant plaisir à lui-même car, confesse-t-il, il n’aurait jamais imaginé qu’il aurait « un jour la chance de rencontrer sur un plateau les magnifiques interprètes de [la] troupe [de Jean Vilar] ». Un brillant hommage dont on lui sait gré.