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Théâtre : Fin de partie

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Fin de partie, au théâtre de l'Atelier. Photo Pierre Grosbois. Fin de partie, au théâtre de l'Atelier. Photo Pierre Grosbois.

« Fin de partie » (2022), d'après le texte éponyme (1957) de Samuel Beckett (1906-1989). Mise en scène par Jacques Osinski. Avec Denis Lavant (Clov), Frédéric Leidgens (Hamm), Claudine Delvaux (Nell) et Peter Bonke (Nagg). Au théâtre de l'Atelier1 . Jusqu'au 5 mars 2023. 110'.

  • 1Théâtre de l'Atelier, Place Charles Dullin, Paris-18e. M° Abbesses ou Anvers. Du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 15h. De 21 € à 39 €. Rés.: 01 46 06 49 24.

Les amoureux inconditionnels de Samuel Beckett vont, à n’en pas douter, aimer, beaucoup, énormément, passionnément, à la folie. Un petit bijou dans son genre. Ceux qui se sont retrouvés là, en revanche, tout-à-fait par hasard, parce qu’il faisait trop froid à l’extérieur, vont très vite déchanter et regretter de ne pas être allés au bistrot d’à côté boire un bon vin chaud à la cannelle. À mi-chemin entre le réel et l’absurde, Beckett n’est en effet pas aisément accessible ni facilement compréhensible ni à la portée de tout le monde. Il faut avoir un QI de 80 ou de 140 pour espérer pouvoir pénétrer dans son univers.

« Fin de partie » met en scène quatre personnages handicapés — illustrant ainsi parfaitement la réalité crue selon laquelle nous avons tous un petit ou un grand handicap physique ou mental, ostensiblement visible ou quasiment imperceptible à l’œil nu — qui vivent dans une maison au milieu de nulle part éclairée par deux fenêtres, voire deux hublots et être l’Arche de Noé dont ils sont les quatre seuls et uniques survivants, et parlent, lorsqu’ils parlent entre de deux silences, pour ne rien dire comme c’est généralement le cas dans le monde absurde et égoïste dans lequel nous vivons.

Au centre de la scène et du monde, Hamm, aveugle et paraplégique, entretient une relation particulièrement malsaine de dominant-dominé avec son domestique et fils adoptif, Clov, qui boîte et le menace constamment de le quitter voire de le tuer mais selon la maxime « chien qui aboie ne mord pas » et leur relation faite de « je t’aime… moi non plus » peut sans doute, avec un peu d’imagination, faire écho à celle existant entre le Président et le Premier Ministre sous la Cinquième République conçue juste quelques mois plus tard. En retrait, au fond de la scène, nous tous, les parents (électeurs) de ce fils ingrat qu’est Hamm, Nell et Nagg, — qui ont perdu leurs jambes lors d’un accident de tandem dans les Ardennes — vivent dans deux poubelles en attendant la mort qui ne saurait tarder et ne sortent la tête de leur trou que lorsque leur rejeton les y autorise.

« Tant qu’il reste de [Samuel Beckett] des choses que je ne comprends pas, qui me sont obscures, étrangères, je crois que je peux le mettre en scène », écrit Jacques Osinski qui signe la mise la scène de cette Fin de partie, une pièce, dit-il, qu’on « n’ose pas aborder sans un certain bagage » et qui vient donc, avec la complicité de son acteur fétiche beckettien, Denis Lavant, après Cap au pire (2017), la Dernière bande (2019) et l’Image (2021), qu'il avait rencontré en 1995 à l'occasion de la Faim de Knut Hamsun.

 

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