Théâtre : Fric-Frac

« Fric-Frac » (2018), d'après la pièce éponyme (1936) d'Édouard Bourdet (1887-1945). Mise en scène par Michel Fau. Avec Régis Laspalès (Marcel), Julie Depardieu (Loulou), Michel Fau (Jo), Emeline Bayard (Renée Mercandieu), Georges Bécot (le bijoutier Mercandieu et l'Inspecteur), Fabrice Cals (Fernand), Yannis Ezziadi (Féfé), Antoine Kahan (P'tit Louis), Audrey Langle (la Grande Marie) et Roland Menou (Blain). Au théâtre de Paris1 . Jusqu'au 4 janvier 2019. 110'.
- 1Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, Paris-9e. M° Trinité, Blanche ou Saint-Lazare. Du mardi au samedi à 20h45 et le dimanche à 15h30. De 23 à 60 €. Rés.: 01 48 74 25 37.
Dans le Paname des années 30, la fille du bijoutier Mercandieu, Renée, en pince bigrement pour un des employés de son père, Marcel, qui, lui, est tombé — aussitôt qu’il l’a vue — éperdument et follement amoureux de l’aguicheuse et dévergondée Loulou, dont le mac attitré, Tintin, est au trou pour un bout de temps encore et lui demande instamment de l’oseille — beaucoup d’oiselle — pour améliorer son ordinaire dégueu et se la péter haut. Loulou va alors user de ses charmes pour extorquer des informations au faible et naïf Marcel pour commettre un fric-frac avec Jo "les bras coupés" dans la bijouterie du père Mercandieu où se trouve un coffre bien garni.
Édouard Bourdet, visionnaire des questions et problèmes qui taraudent les bons et mauvais esprits d'hier comme d'aujourd'hui, passe en revue dans ce « Fric-Frac » tout ce qui fait courir et mousser la société depuis les temps immémoriaux : amour physique, désir lubrique, mensonge, tabagisme, alcoolisme, racisme, fracture sociale, violences policières, bourgeoisie, bicyclette, nature, crise financière, chômage, immigration, prisons, harcèlement et même des femmes qui veulent être ou ressembler à des hommes pour mieux exister ou exister tout court.
L’argot de la basse pègre des faubourgs côtoie dans cette pièce le français ampoulé de la petite bourgeoise d’avant-guerre et à cet exercice, nul doute que dans la toute première version de nos papys de 1936 au théâtre de la Michodière, c’est assurément Arletty en Loulou qui devait l’emporter haut la main avec son accent inénarrable dans ce rôle cousu main pour elle. Dans cette nouvelle version, en revanche, Emeline Bayart, en bourgeoise hystérique, est, à bien des moments, il faut le reconnaître, juste magnifique et sans avoir l’air d’y toucher ne fait qu’une bouchée de Julie Depardieu déguisée en Loulou singeant Arletty.
Les décors, signés Bernard Fau et Citronelle Dufay, en fausses perspectives et très colorés, comme les affiches et les publicités de l'époque, sont également une réussite.