Théâtre : Jean Moulin

« Jean Moulin » (2015), de Jean-Marie Besset. Mise en scène par Régis de Martrin-Donos. Avec Sébastien Rajon (Jean Moulin, alias Mercier, Rex, Max), Sophie Tellier (Antoinette Sachs), Gonzague Van Bervesselès (nazi blond, Maurice Denis et René Hardy, alias Didot), Laurent Charpentier (nazi brun, Henri Frenay, alias Charvet et Gorka Delvaille), Laure Portier (Laure Moulin), Stéphane Dausse (Charles de Gaulle), Jean-Marie Besset (Pascal Copeau, alias Salard), Michael Evans (Pierre de Bénouville, alias Barrès et Klaus Barbie) et Loulou Hanssen (Lydie Bastien). Au théâtre Déjazet
Fruit de deux années d’intense travail, confie Jean-Marie Besset, ce « Jean Moulin, le roi supplicié des ombres » devenu par la suite « Jean Moulin, l’Évangile » et finalement « Jean Moulin » tout simplement, auquel l’auteur songeait in petto à rendre hommage depuis plus de 25 ans pour être fasciné par l’homme autant que par le résistant et être, comme lui, originaire de la même région (Occitanie) et du même milieu, a en fait pu voir le jour « grâce à » ou « à cause de » la ministre de la culture Aurélie Filippetti qui l’a démis « prématurément » en 2014 de ses fonctions de directeur du Centre dramatique national du Théâtre des 13 Vents de Montpellier, comme quoi un mal peut parfois être à l’origine d’un bien.
Retraçant le parcours sous Vichy de celui qui était le préfet d’Eure-et-Loir à Chartres au moment de l’invasion allemande, de sa sœur Laure et de son amie Antoinette Sachs dans les différentes villes françaises et dans la capitale britannique où ils ont eu à se rendre, il s’agit d’une pièce au parfum éminemment historique, avec notamment la rencontre — vraie mais l’échange imaginaire, faute de compte-rendu de la réunion — à Londres en octobre 1941 entre le général de Gaulle et Jean Moulin, découpée en 22 scènes plus ou moins brèves et regroupées autour de quatre parties (l’invasion en 1940, la résistance en 1941, l’organisation en 1942 et la passion en 1943), qui débute le 10 juin 1940 dans l’appartement de la rue des Plantes à Paris, et se déroule, de manière chronologique, sur trois années, jusqu’au 8 juillet 1943, à la gare de Metz, où le chef de la Résistance décèdera dans le train qui devait l’emmener en Allemagne.
Avec très peu de moyens, le metteur en scène Régis de Martrin-Donos dirige neuf comédiens dans quatorze rôles différents, dont l’auteur lui-même dans celui de Pascal Copeau, dans un lieu unique qui, dit-il, « évolue et se décline en fonction de l’avancée de l’action et parfois même à contre-courant de toute logique narrative » pour s’éloigner du « réalisme [et] travailler davantage sur les sensations, les images, les coups de force, les impressions ». C’est ainsi qu’avec quelques grandes armoires pour tout décor, comme dans un ballet au rythme fort soutenu, des combattants clandestins y disparaissent ou en jaillissent et servent également de bureau, de fauteuil ou de lit dans un clair-obscur quasi permanent et avec une bande-son parfois assez tonitruante pour renforcer le côté tragique.