Théâtre : Kap O Mond !

« Kap O Mond ! » de Alice Carré et Carlo Handy Charles. Mise en scène par Olivier Coulon-Jablonka. Avec Charles Zevaco et Simon Bellouard en alternance Roberto Jean et Sophie Richelieu. Au théâtre de Belleville
Mathieu, banlieusard blanc, et Kendy, Haïtien (noir), deux jeunes adultes, que tout semble séparer culturellement et intellectuellement, se rencontrent par hasard à l’occasion d’un examen d’entrée à Sciences Po Paris que le premier réussit magistralement et que le second rate piteusement alors même qu’a priori, le niveau de celui-ci — qui va néanmoins quand même se rabattre sur une licence d’économie de Paris Dauphine — est nettement supérieur à celui-là.
À la faveur de cette rencontre fortuite entre deux approches et deux mondes différents, « Kap o Mond ! » — qui signifie, nous précise le metteur en scène Olivier Coulon-Jablonka, "Cap au monde" en haïtien et qui est également, ajoute-t-il, un jeu de mots avec le "Cap au pire" de Samuel Beckett — met en scène deux jeunes gens dissemblables qui ne sont d’accord sur rien mais que pourtant un étrange et subtil désir attire l’un vers l’autre. Ils vont ainsi croiser leurs connaissances et leur vision de la France et d’Haïti, d’hier et d’aujourd’hui, sans rien céder ou presque du passé colonial de la France révolutionnaire qui les taraude.
Il s’agit de la version minimaliste, « tout public pour deux acteurs qui [peut se] jouer dans des lieux théâtraux et non théâtraux afin d’évoquer cette histoire méconnue », explique Olivier Coulon-Jablonka, d’une œuvre monumentale — une enquête historique sur les rapports de la France avec ses colonies au moment de la Révolution française en vue de construire un spectacle sur la révolution haïtienne « Aux armes, et caetera » revenant sur une page manquante de l’histoire révolutionnaire et s’interrogeant sur les raisons de cette absence — qui a dû être remise à plus tard ou à jamais du fait des confinements successifs et de la crainte de ne pouvoir réunir les moyens techniques et humains nécessaires pour cet énorme chantier.
L’auteure, Alice Carré, qui s’est fait une spécialité de prêter sa plume aux minorités et aux opprimés de tous bords (enfants-soldats et jeunesse congolaises, amnésie coloniale algérienne, Roms et autres combattants africains) depuis plus d’une décennie, s’est adjoint le concours de Carlos Handy Charles, un chercheur et auteur d’origine haïtienne qui réside au Canada, pour ce texte à quatre mains qui est « la trajectoire de deux amis, faisant émerger des paysages contemporains de la France et d’Haïti, tout en s’entrelaçant d’échos aux mémoires des deux révolutions ».