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Théâtre : Le journal d'une femme de chambre, d'Octave Mirbeau

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Le journal d'une femme de chambre, au théâtre le Funambule. Le journal d'une femme de chambre, au théâtre le Funambule.

« Le journal d'une femme de chambre » (2017), d'après le roman éponyme (éd. Charpentier-Fasquelle, Paris, juill. 1900, après avoir été sérialisé entre octobre 1891 et avril 1892 dans l'Écho de Paris) d'Octave Mirbeau (1848-1917). Mise en scène par Jean-Pierre Hané. Avec Catherine Artigala (Célestine). Au théâtre le Funambule1 . Jusqu'au 1er juillet 2018. 60'.

  • 1Théâtre le Funambule, 53 rue des saules, Paris-18e. M° Lamarck-Caulaincourt. Du mercredi au samedi à 21h30 et le dimanche à 16h. 29 €. Rés.: 01 42 23 88 83.

Il y a plus de 125 ans déjà, Octave Mirbeau osait l’impensable : donner la parole à une petite soubrette, Célestine, qui allait révéler urbi e orbi toute la pourriture par elle vue ou entrevue par le trou de la serrure au cours des vingt dernières années où elle officia dans les maisons parisiennes et de province les plus huppées et dans cette bourgeoisie de la IIIe République naissante, plus le vernis est clinquant et ostentatoire plus les dessous et les turpitudes sont nauséabonds, ce qu’elle résume parfaitement ainsi « Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens », c’est tout dire.

Célestine, qui en a vu des vertes et des pas mûres en tant que domestique traitée comme objet sexuel à titre principal ou accessoire, arrive donc, en cette fin d’été 1891, dans un charmant petit bourg normand, chez les Lanlaire, des nouveaux riches qui ne doivent leur immense fortune qu’aux filouteries de leurs honorables parents respectifs, et c’est là qu’elle évoque son présent et se remémore son passé avec son lot de souffrances et humiliations subies ou endurées dans ses nombreux emplois précédents tel, par exemple, ce patron-maître fétichiste qui lui léchait et nettoyait ses bottines tous les soirs et que l’on retrouva un jour, au petit matin, mort sur son lit avec une bottine entre les dents.

Ambitieuse et opportuniste animée d’une ferme volonté de s’élever socialement, Célestine va en avoir l’occasion lorsqu’elle rencontre le jardinier, Joseph, un manipulateur et antisémite qui va lui permettre, avec l’argenterie dérobée aux Lanlaire, de devenir, quelques mois plus tard, elle-même maîtresse et patronne d’un petit café à Cherbourg où elle se rendra vite compte que toutes les domestiques — qui n’ont que ce qu’elles méritent — ne sont que des « faignasses et des dévergondées ».

Seule en scène, Catherine Artigala excelle dans cette ultime et nouvelle adaptation du Journal d’une femme chambre d’Octave Mirbeau qui se prête fort bien à la théâtralisation et dont les adaptations à travers le monde et dans toutes les langues se comptent par centaines avec parmi les plus célèbres celle, en 1982, de Jacques Destoop mettant en scène Geneviève Fontanel. Sur grand écran, on en compte pas moins de quatre : Dnevnik gornitchnoi par le russe Martov en 1916, une version américaine Diary of a Chambermaid par Jean Renoir avec Paulette Goddard en 1946, une version française par Louis Buñuel avec Jeanne Moreau en 1964 et, plus récemment, en 2015, une seconde version française par Benoît Jacquot avec Léa Seydoux.