Théâtre : Le personnage désincarné

« Le personnage désincarné », de et mis en scène par Arnaud Denis. Avec Marcel Philippot (l'auteur), Audran Cattin (le personnage) et Grégoire Bourbier (le régisseur). Au théâtre de la Huchette
Une pièce dans la pièce avec un personnage sans existence réelle qui se rebiffe en refusant de faire ce qu'on attend de lui et un auteur qui n'en est pas vraiment un qui entend bien que les choses reprennent leur cours normal. Il ne s'agit pas d'une nouvelle adaptation théâtrale du célèbre roman de Mary Shelley (Frankenstein, Lackington, Allen & Co., 1818) mais il y a quand même comme un petit air de « déjà vu » et l'auteur, le vrai, Arnaud Denis, s'en est sans doute vraisemblablement légèrement inspiré.
En pleine représentation donc, un personnage s'arrête dans sa trajectoire… Il ne sait plus où il est, il ne sait plus quoi dire, comme figé dans un état de panique. La voix de l'auteur résonne alors dans la salle pour guider sa créature et lui demander, doucement mais avec beaucoup autorité, de reprendre le cours des choses mais le personnage persiste et continue de se révolter. L'auteur devra alors déployer tout son art oratoire et mettre au pas le régisseur pour amener la créature à accomplir son destin : se suicider. Fin du premier acte.
Au bout d'une quinzaine de représentations à la fin desquelles le personnage se suicide pour renaître le lendemain soir pour une nouvelle prestation identique, la créature attire l'auteur sur la scène et va finir par prendre le dessus.
Ce texte, dit Arnaud Denis, se veut être une réflexion sur l'art du théâtre, ses codes et ses conventions avec l'auteur « tout-puissant, tel un Dieu vengeur qui a tous les pouvoirs sur son sujet » mais également une réflexion sur le destin, le libre arbitre de chacun, la vie étant en effet une immense scène où chaque individu a son créateur qu'il peut décider d'affronter, de remettre en question voire de le tuer pour mieux s'en libérer et alors pouvoir s'épanouir pleinement.
La pièce se joue au théâtre de la Huchette où sévissent depuis près de 60 ans, sans interruption, les deux premières pièces d'Eugène Ionesco (La Cantatrice chauve et La Leçon). On lui souhaite le même succès.