Théâtre : Plaidoiries

« Plaidoiries » (2018), d'après le texte de Matthieu Aron (Les grandes plaidoiries des ténors du barreau, Éd. Jacob-Duvernet, Paris, oct. 2010, 274 p.). Mise en scène par Eric Théobald. Avec Richard Berry. Au théâtre Antoine
Selon le principe ancestral de l’homme qui a aperçu l’homme qui a effectivement entendu crier le cheval de douleur ou de plaisir, Éric Théobald met en scène Richard Berry dans cinq « grandes » plaidoiries puisées dans un texte publié en 2010 de notes d’audience ou de travaux de recherche provenant du non moins grand chroniqueur judiciaire Matthieu Aron.
En 70 minutes chrono, soit environ quatorze minutes en moyenne pour chaque « plaidoirie » de ces « cinq moments de vérité » que sont le déni le grossesse de Véronique Courjault, les victimes de Maurice Papon, le dernier guillotiné que fut Christian Ranucci, les parents des deux jeunes gens électrocutés en 2005 dans un poste électrique EDF pour avoir tenté d'échapper à un contrôle de police et l'avortement inaccessible aux seules misérables, l’acteur hors pair nous transporte dans un prétoire imaginaire en donnant brillamment au théâtre vie et corps à cinq illustres défenseurs — Mes Henri Leclerc, Michel Zaoui, Paul Lombard, Jean-Pierre Mignard et Gisèle Halimi — d’assassins ou de victimes qui demandaient « l’impossible » pour leurs clients à leurs juges ou jurés et qui, parfois, l’ont obtenu et ont ainsi fait évoluer les mentalités et la jurisprudence avant que le législateur ne s’en empare et se décide à réécrire ou à modifier la loi injuste.
En quelques minutes qui paraissent bien trop courtes, dans sa petite robe d’avocat que l’on devine être de province (les avocats parisiens ne portent plus d’hermine depuis, selon une des hypothèses, le procès de Marie-Antoinette), derrière ou à côté de son pupitre, face au public en lieu et place de juges ou jurés, Richard Berry singe passablement bien cinq des plus grands cabotins de France demandant l’impossible mais, paradoxalement, c’est dans sa dernière prestation, en avocate, en Gisèle Halimi, que l’acteur fait mouche et produit une très forte décharge émotionnelle en revendiquant, au nom et pour toutes les femmes, le droit de pouvoir disposer de son corps.