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Théâtre : Vipère au poing

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Vipère au poing, au théâtre le Ranelagh. Photo Ben Dumas. Vipère au poing, au théâtre le Ranelagh. Photo Ben Dumas.

« Vipère au poing » (2018), d'après le roman éponyme (Grasset, Paris, 1948, 237 p.) d'Hervé Bazin (1911-1996). Adaptation et mise en scène par Victoria Ribeiro. Avec Aurélien Houver (Jean Rezeau dit "Brasse-Bouillon"). Au théâtre le Ranelagh1 . Jusqu'au 13 janvier 2019. 100'.

  • 1Théâtre le Ranelagh, 5 rue des Vigner, Paris-16e. M° La Muette ou Passy. Du mercredi au samedi à 19h et les dimanches à 15h. De 28 € à 32 €. Rés.: 01 42 88 64 44.

Élevés par leur grand-mère paternelle, jusqu’à son décès au cours de l’été 1922, dans le château familial de la Belle-Angerie, dans la région de Segré, au nord d'Angers, Jean et Ferdinand vont enfin pouvoir vivre avec leurs parents, Jacques Rezeau et Paule Pluvignec, qui reviennent à cette occasion de Chine où le père enseigne le droit international dans une université de Shanghai et faire du même coup la connaissance de leur petit frère, Marcel.

C’est donc avec une grande impatience et une certaine curiosité non dissimulée que les deux enfants guettent leurs parents et petit frère sur le quai de la gare et, dès qu’ils les aperçoivent, se jettent tout aussitôt comme un seul sur leur mère pour l’embrasser mais vont se faire violemment repousser par la marâtre qui souhaite descendre tranquillement du train. Marcel leur adresse un minuscule petit salut et il n’y a que leur père pour les embrasser comme il se doit après une si longue absence.

De retour au château, tout le personnel et la famille sont convoqués dans la grande salle à manger pour s’entendre notifier, comme dans une caserne, le nouvel emploi du temps qui dorénavant commencera et se terminera par une messe à 5h30 et à 21h30 respectivement et des cours qui seront assurés par un abbé qui vit avec eux. Le père laisse le soin à sa femme de poursuivre laquelle va préciser que le café au lait du matin sera remplacé par de la soupe, qu’ils seront tondus par mesure d'hygiène et par mesure de sécurité, exit poêles, édredons et coussins dans les chambres, une paillasse à même le sol suffira. Plus aucun objet personnel et les heures de « récréation » devront être consacrées à l'entretien du parc, le port de sabots — qu’ils pourront fourrer avec de la paille en hiver — permettra de faire l’économie de chaussettes et chaussures.

Affamés, frigorifiés, privés de tout confort et de toute tendresse, les trois enfants, et notamment Jean, dit Brasse-Bouillon, vont être en permanence sujets à des brimades, punitions ou humiliations de toute nature de la part de leur mère — sous l'œil semi-fermé de leur père qui feint ne rien voir pour éviter d’entrer en conflit avec sa femme — qui va devenir leur ennemi de tous les instants, leur vipère à tuer, la « Folcoche », contraction de Folle et Cochonne, à abattre.

Ce récit largement autobiographique et premier roman d’Hervé Bazin, publié en 1948, avait déjà fait l’objet d’une adaptation pour la télévision (Pierre Cardinal, 1971) avec Alice Sapritch dans le rôle de Folcoche et d’une adaptation cinématographique (Philippe de Broca, 2004) avec Catherine Frot. Cette adaptation théâtrale innove et est toutefois complètement différente puisqu’il s’agit d’un seul en scène où le narrateur, Jean Rezeau (Hervé Bazin), adulte, remonte le temps par des flashbacks de plus en plus douloureux et insupportables au cours desquels Aurélien Houver interprète tous les personnages. Une performance remarquable en tous points.

À tel point remarquable qu’Aurélien Houver a dû probablement se prendre à son propre jeu « d’être infâme dépourvu de tout amour et de toute sensibilité » au cours de la dernière diatribe de ce rôle de composition qu’il a cru utile, lors de la générale d’hier, de rassurer sa petite maman qui se trouvait dans la salle et de lui envoyer un bisou.

 

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