Télé-réalité : Confirmation du contrat de travail des participants à l’émission l’Île de la tentation

La cour de cassation a rejeté les pourvois à l’encontre de l’arrêt de la cour de Versailles qui avait requalifiait le contrat « règlement participants » de 53 personnes ayant participé au tournage des saisons 2003 à 2007 de l’émission de télé-réalité l’Île de la tentation en contrat de travail à durée indéterminée.

TF1 considérait que la personne qui « accepte librement de se laisser filmer et d’exprimer ses sentiments, lors de la participation à des activités de divertissement, au cours desquelles il ne lui est demandé d’accomplir aucune performance particulière, ne fournit aucun travail » et contestait que le contrat « règlement participants » eût dès lors pu être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.

Le concept de l’émission consistait en effet à ce que « quatre couples non mariés et non pacsés, sans enfant, testent leurs sentiments réciproques lors d’un séjour d’une durée de douze jours sur une île exotique, séjour pendant lequel ils sont filmés dans leur quotidien, notamment pendant les activités (plongée, équitation, ski nautique, voile, etc…) qu’ils partagent avec des célibataires de sexe opposé. À l’issue de ce séjour, les participants font le point de leurs sentiments envers leur partenaire. Il n’y a ni gagnant ni prix » et ce moyennant une rémunération forfaitaire de 1 525 euros.

De leur côté, les participants critiquait l’arrêtVersailles, 5 avr. 2011, n° 10/02422, Malivoire et a. c/ TF1 production et a.  en ce qu’il leur avait dénié la qualité d’artiste-interprète aux motifs que « l’incarnation d’un rôle était exigée pour que pût être retenue la qualité d’artiste-interprète » et que le métier d’acteur « consiste à interpréter un personnage autre que soi-même », les participants à cette émission de télé-réalité n’avaient pas eu « à interpréter une œuvre artistique […] le caractère artificiel des situations filmées et […] leur enchaînement ne suffisait pas à leur donner la qualité d’acteurs ».

Pour ce qui est du contrat « règlement participants » requalifié en contrat de travail, la cour suprêmeCiv. 1re, 24 avr. 2013, n° 11-19091, Malivoire et a. c/ TF1 production et a. rappelle que « l’existence d’une relation de relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs » et, au cas particulier, il avait été constaté par la cour d’appel, relève la première chambre civile, qu’il existait entre les membres de l’équipe de production et les participants un lien de subordination caractérisé par l’existence d’une « bible » qui prévoyait moult obligations et interdictions. 

Cette bible prévoyait en effet le déroulement des journées et la succession d’activités filmées imposées, de mises en scènes répétées, d’interviews dirigées de telle sorte que l’interviewé était conduit à dire ce qui était attendu par la production, des horaires imposés allant jusqu’à vingt heures par jour, l’obligation de vivre sur le site et l’impossibilité de se livrer à des occupations personnelles, ainsi que l’instauration de sanctions pécuniaires en cas de départ en cours de tournage. 

Et à ce lien de subordination s’ajoutait un lien de dépendance puisque, séjournant à l’étranger, passeports et téléphones leur avaient été retirés et ce faisant, la prestation des participants à cette émission avait pour finalité « la production d’un bien ayant une valeur économique » et « l’existence d’une prestation de travail » exécutée sous la subordination de TF1 était donc bien caractérisée, est-il jugé.

Mais cette prestation de travail n’impliquant aucune « interprétation » ne fait toutefois pas de ces participants à cette télé-réalité des acteurs ou des artistes-interprètes car ils n’avaient, est-il relevé, « aucun rôle à jouer ni aucun texte à dire […] il ne leur était demandé que d’être eux-mêmes et d’exprimer leurs réactions face aux situations auxquelles ils étaient confrontés […] le caractère artificiel de ces situations et leur enchaînement ne suffisait pas à leur donner la qualité d’acteurs ».